Page:Cromarty - K.Z.W.R.13, 1915.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Alors, voici. On se préoccupe beaucoup en France, en haut lieu, de l’intervention possible des États-Unis dans les affaires troublées du Mexique, et je ne vous cacherai pas que le ministre compte sur vous pour être tenu au courant.

— il a eu raison de compter sur moi. Je suis certain de ne pas nuire aux intérêts de mon pays en avertissant le gouvernement français d’un fait accompli, ou sur le point de s’accomplir, je suis tout à votre disposition.

— Une question. Croyez-vous à cette intervention ?

— Oui.

— La croyez-vous prochaine ?

— Cela, c’est plus douteux. Peut-être attendra-t-on à Washington que le sang des citoyens américains ait coulé, peut-être interviendra-t-on plus tôt, sans autre raison que celle de sauvegarder des intérêts considérables.

— Les capitaux américains engagés au Mexique sont en effet énormes, n’est-ce pas ?

— Ce n’est pas seulement cela. Ce que vous ne soupçonnez pas en Europe, c’est que cette guerre civile mexicaine, c’est la guerre du pétrole.

— La guerre du pétrole ?

— Pas autre chose. Me permettez-vous de vous éclairer…

— Éclairer est le vrai mot.

— Et de vous expliquer brièvement les raisons de ce qui se passe ?

— Faites, je vous prie.

— Eh bien, on sait maintenant que le long de l’Atlantique, et aussi sur la côte du Pacifique, des gisements considérables d’huile attendent les explorateurs.

La « Standard Oil » et le « Syndicat Pearson », deux groupes puissants, l’un américain, l’autre anglais, se sont assurés en quelques années de recherches que le Mexique prendra bientôt la première place parmi les pays producteurs du pétrole ; le puits de Juan Cassiano lance pour cent mille piastres d’huile par jour et le Potrero de los Llanos en fournit pour cent dix mille. Si l’on songe que la centième partie à peine des zones pétrolifères a été reconnue, on conviendra que pour les grands hommes d’affaires des deux mondes, la proie est tentante.

— Quelle richesse !

— Richesse incalculable, en effet, et que les hommes politiques des deux partis veulent s’approprier. Mais une question autre se pose d’abord : les nouveaux navires de guerre, en Angleterre et aux États-Unis, sont aménagés pour marcher au pétrole. Économie de temps, de main-d’œuvre, propreté, tout concourt à faire remplacer le charbon par l’huile minérale. Pensez qu’il faut dix heures à un équipage de 600 à 700 hommes, pour transporter à bord une provision de charbon, tandis qu’un navire marchant au pétrole n’a qu’à accoster au quai où des tuyaux sont vissés sur les canalisations venant des réservoirs. Le plein de pétrole s’effectue en un clin d’œil.

— Cela se comprend facilement.

— La différence est bien plus grande encore en ce qui concerne l’alimentation des foyers. Dans les navires marchant au charbon, la chaufferie est un véritable enfer et la manutention des scories est presque aussi pénible que celle du charbon. Dans une chaufferie au pétrole, tout est paisible et silencieux. Le chauffeur n’a qu’à veiller au maintien de la pression et l’huile est distribuée automatiquement aux foyers.

— Mais alors le pétrole va bientôt complètement remplacer le charbon ?

— D’autant que le plus gros avantage du pétrole, c’est d’augmenter