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donc, s’écria le capitaine, vous voulez rire !

— Je ris rarement et je vous prouverai tout à l’heure la vérité de ce que j’avance. Mais avant tout, capitaine, permettez-moi de me présenter à vous, car vous ne me connaissez qu’à moitié : Edgar Stockton, détective américain ; voici, au cas où vous seriez enclin à douter, des preuves irrécusables de ce que j’avance : mes papiers d’identité avec ma photographie et dans le coffret que vous avez tant désiré ouvrir, capitaine Lartigue, et que j’ouvre devant vous, ma médaille de policier, mon casse-tête et des menottes que j’espérais bien mettre aux poignets de monsieur le comte de Borchère, si j’avais pu le joindre et le prendre sur le fait ! Mais je suis arrivé trop tard !

Stockton aurait pu continuer longtemps : les officiers, le docteur, Marius, le regardaient complètement ahuris ! La foudre serait tombée à leurs pieds qu’ils n’auraient pas été plus sidérés ! Ils n’osaient pas se regarder.

— Votre méprise, monsieur Boulard, est excusable. Vous m’avez rencontré dans des circonstances qui ont dû laisser un doute dans votre esprit. À Paris, j’avais eu la chance d’arrêter le voleur de votre montre à l’Alcazar d’Été. Malheureusement, l’agent à qui j’avais confié votre pick-pocket, après lui avoir repris votre chronomètre, le laissa s’échapper. J’essayai de le rejoindre après avoir chargé le commissaire de service de vous restituer votre montre, mais je ne réussis point. En vous retrouvant à bord du Gladiateur, je n’ai pas voulu laisser à un grec le plaisir de vous dépouiller. Après avoir pris votre place, je lui montrai, en surveillant soigneusement ses mains, que je connaissais sa véritable façon de jouer. Cela le troubla, d’où sa déveine persistante. Comme je voulais le forcer à voler à bord, pour le prendre en flagrant délit, j’ai profité de ma veine pour le décaver. La nuit suivante, je le guettais : je suis arrivé deux minutes trop tard dans votre chambre et il a pu m’échapper. J’ai eu cependant la joie de voir qu’il n’avait pu rien vous prendre, et le plaisir de vous soigner immédiatement, ce qui vous a épargné d’être aussi malade que ces pauvres Roseti !

— C’est alors que je vous ai reconnu !

— Je ne pensais pas que vous m’aviez vu ! Cette nuit, car vous pensez bien que je n’étais pas la dupe de la maladie du comte, j’ai voulu exercer la même surveillance que la nuit précédente, mais en sortant de ma cabine, je me suis heurté à une sentinelle…

— C’est moi qui l’avais placée en lui recommandant de ne pas dormir !

— Sage recommandation ! J’ai donc été obligé de rentrer chez moi ; le brave valet de pied aurait fait scandale si j’avais poursuivi mes desseins. Je me consolais en pensant que si Borchère volait cette nuit, je le pincerais ce matin, car je n’ai connu les prévenances du capitaine pour sa précieuse santé que lorsque le patron Kérouët m’a appris que notre canot avait été précédé par celui qui conduisait à terre, avec la malle-poste, cet intéressant malade.

J’avais peut-être encore une chance de le rattraper, mais le retour par ordre, renouvelé, de notre canot vers le Gladiateur a mis tous mes projets à néant. Que voulez-vous, messieurs, je serai plus heureux une autre fois.

— Mais, sapristi, cria le capitaine Maugard, en retrouvant la parole, pourquoi ne nous avez-vous pas dit tout cela hier ?

— M’eussiez-vous cru ?

— Dame !

— Vous ne m’eussiez pas cru, et