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Très probablement. Mais alors comment soupçonner Stockton, puisque ce dernier savait que son portefeuille était vide ? Or, sa visite nocturne était indéniable, puisque ses souvenirs concordaient avec la déposition du valet de chambre qui avait veillé et aperçu l’Américain dans le couloir.

Peut-être Stockton, voyant la facilité avec laquelle Marius avait remis son argent à Ketty, avait-il supposé que celui-ci devait avoir d’autres sommes en sa possession ? Le désordre de ses affaires semblait justifier cette hypothèse. On avait cherché partout.

Enfin, il fallait voir, et surtout raconter tout ce qui s’était passé au capitaine Maugard.

Marius acheva donc de s’habiller et monta sur le pont.

Le capitaine Maugard avait fait le quart de nuit et seul le capitaine en second était sur la passerelle.

Mis au courant, monsieur Lartigue jugea la chose assez grave pour prendre sur lui de réveiller le capitaine. Ils se rendirent donc tous deux dans sa cabine et celui-ci, mis au courant, les approuva de n’avoir pas hésité à troubler son sommeil.

— Résumons-nous et sérions les faits, dit-il à Marius ; premièrement, à Paris, à l’Alcazar d’Été, vous êtes volé : Stockton est là. Deuxièmement, après avoir perdu au poker, Stockton vous refait, même avec un assez gros bénéfice ; troisièmement, cette nuit, Stockton se trouve dans votre cabine, qui était fermée à clef. Sa présence est certaine, puisqu’il a été vu par vous et par le valet de garde. Toujours Stockton ! On ne vous a rien volé, c’est vrai, mais voici, j’imagine, la raison de ce qui s’est passé : par une indiscrétion toujours possible, il sait peut-être que vous faites partie de la haute police. Son offre d’association au jeu s’explique alors ; il veut vous circonvenir, se lier avec vous pour détourner vos soupçons. Comme son adresse de grec lui permet de gagner à coup sûr, il vous donne une part de son gain, certain de vous la rattraper soit au jeu, soit ailleurs. Il veut surtout savoir qui vous êtes et pourquoi vous êtes sur le bateau ; aussi hier soir, après le départ de mademoiselle Trubblett, vous entraîne-t-il à boire du champagne, comptant qu’après ce petit excès votre sommeil sera plus lourd. Vers une ou deux heures du matin il vous endort profondément en vous faisant respirer des vapeurs chloroformiques, grâce au trou de la cloison qu’il a percée au préalable, puis, avec son ouistiti ou tout autre outil de rat d’hôtel, il pince le canon de la clef qui ferme la porte en dedans ; il n’a plus qu’à tourner et à ouvrir la porte, à entrer, et tranquillement il cherche dans vos bagages, dans vos poches, pour trouver dans vos papiers ce qu’il a besoin de savoir.

— Pardon, commandant, interrompit monsieur Lartigue, le valet de garde l’aurait vu accomplissant tout ce manège.

— Laissez donc. Le garçon dormait sans doute, et comme il n’avouera jamais qu’il a manqué à son service, il soutiendra mordicus qu’il n’a pas fermé l’œil de la nuit.

— Vous avez raison.

— Après avoir tout bouleversé chez monsieur Boulard, au moment où il va s’en aller, il réfléchit que ce peut être dangereux de laisser sa victime endormie, il ouvre le hublot, le secoue et ne songe pas qu’en vous réveillant vous avez cette chance de le voir et de le reconnaître.

— Évidemment !

— Quand il s’aperçoit que vous reprenez connaissance, il a peur d’être surpris : il quitte vivement votre ca-