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? — K. Z. W. R. — 13

— Nous gagnons, tout compte fait, chacun trois mille deux cents francs ?

— Comment ?

— Oui, monsieur Boulard et moi étions de moitié, et je jouais pendant qu’il était venu vous retrouver, pour lui et pour moi.

— Ainsi, monsieur Marius, il ne vous suffit pas de jouer vous-même, vous faites jouer les autres pour vous ?

— Je vais vous expliquer…

— Inutile. Monsieur Stockton, voulez-vous me remettre ces trois mille deux cents francs ?

— Mais, mademoiselle, je ne sais si je dois…

— Vous devez. N’est-ce pas, monsieur Boulard ?

— Évidemment, mais…

— Mais ? pas de mais ! Donnez…

— Donnez à mademoiselle, monsieur Stockton.

— Voilà, mademoiselle, trois mille francs en billets, et deux cents francs en or.

— Merci, monsieur Stockton. J’ai donc à vous treize mille trois cent quatre-vingt francs, car je suis gentille, voici vingt francs !

— Ah !

— Et quand vous les aurez dépensés, je les remplacerai !

— Toutes les semaines, comme au collège.

— Et remerciez monsieur Stockton. Il est heureux qu’il ait pris vos intérêts en mains, car joueur comme vous l’êtes…

— Peut-on dire !

— Vous auriez, vous, reperdu jusqu’à votre dernier centime !

Stockton s’amusait à voir la tournure que prenait la scène, un pâle sourire effleura ses lèvres, ce qui, chez lui, constituait une marque de gaîté folle.

— Monsieur Boulard, dit-il, je crois que pour ma peine, vous me devez bien une bouteille de Pommery-Grenot, grande marque !

— Je crois bien, dit Marius. Allons au café, mais…

— Mais quoi, qu’est-ce que vous avez à me regarder avec des yeux suppliants ?

— Miss Ketty, donnez-moi encore vingt francs. La bouteille de Pommery coûte vingt-quatre francs !

— Allons, tenez, mendiant, les voilà !

— Vous ne venez pas avec nous ?

— Non, il est — tard, je rentre dans ma cabine.

— Alors, bonsoir ?

— Bonsoir. Bonne nuit, monsieur Stockton !

— De doux rêves, miss Ketty !

— Merci. Ah ! vous savez, dit la jeune fille en revenant vers Marius.

— Quoi donc ?

— Eh bien, vous savez, vos bourdonnements, c’est extraordinaire ! J’y crois presque. Bonsoir !

Et Ketty s’en alla en riant.

— Votre fiancée est vraiment charmante.

— N’est-ce pas. Mais vous savez donc que nous sommes fiancés ?

— On me l’a déjà dit. Si vous voulez, nous boirons le champagne à sa santé.

— Allons, dit Marius, passez, je vous en prie !

Et tous deux se dirigèrent vers le café.

Le champagne l’excitant, Marius fut plein de verve. Quant à Stockton, il fut éblouissant et lança au moins une dizaine de paroles dans la conversation. Puis, la bouteille finie, tous deux se dirigèrent vers leurs cabines,