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? — K. Z. W. R. — 13

— Une partie de poker ? demanda Borchère à Marius.

— Soit, je ne voudrais cependant pas jouer trop gros jeu.

— Que pensez-vous d’une cave de vingt-cinq louis ? Vous pouvez du reste toujours vous retirer.

— En ce cas, je suis des vôtres.

Et Marius, résolu à ne risquer que son gain de la journée, s’assit à la table, où avaient déjà pris place deux des joueurs de l’après-midi.

Les cartes étaient déjà donnéés pour le premier tour, lorsque Stockton parut et vint s’asseoir derrière Marius, vis-à-vis-du comte de Borchère, qui se trouvait entre Quinsby et Gugenheim.

— Vous n’entrez pas dans le jeu ?

— Merci, monsieur de Borchère, je me contenterai, si vous le voulez bien, de regarder ; je prendrai la place du premier de ces messieurs qui se lèvera. Le jeu est bien plus amusant à quatre.

— À votre aise.

Et le comte s’absorba dans la partie. Il abattit deux cartes : as et roi, alors que monsieur Gugenheim avait un brelan de neuf.

L’attention de chacun redoubla.

Marius jouait assez bien au poker. Même à Carcassonne, au Café des Remparts, il passait pour y être d’une jolie force. On racontait là-bas, à l’heure de la verte, des coups où il avait montré de l’estomac et tenu tête aux « bluffeurs » les plus endurcis ; mais le comte de Borchère jouait comme un maître. La chance, du reste, le favorisait, et petit à petit, l’argent de ses partenaires s’amoncelait devant lui.

Chose digne de remarque, c’était surtout lorsque venait son tour de donner que les cartes lui venaient. Puis comme Marius — les gens du Midi n’aiment pas de perdre — s’étonnait de cette chance persistante, la veine tourna.

Alors que le comte s’abstenait presque chaque fois, Marius releva des carrés, des falls, des brelans à tous les coups, mais ses adversaires n’ayant pas de jeu, ne tenaient rien ou presque rien.

Cependant, il refit sa cave, ou peu s’en faut. En relevant ses cartes à ce moment, il vit qu’il avait un carré de dames.

C’est un des plus beaux jeux que l’on puisse avoir, puisqu’on ne peut perdre que contre un carré de rois ou d’as, ou contre une séquence de même couleur, chose excessivement rare.

Pour mieux cacher ce qu’il allait faire, il refusa de nouvelles cartes, donnant ainsi à penser qu’il avait un piètre jeu.

Et le moment venu de passer aux enchères, il commença, tandis que l’émotion lui faisait un peu battre les tempes :

— Deux louis.

— Plus un, dit Gugenheim.

— Plus trois, continua Borchère.

— Je passe, dit à son tour sir Maurice Quimby.

Pour continuer à rester dans le jeu, Marins devait donc mettre au moins six louis, plus son enchère nouvelle. Il ponta, « plus quatre », ce qui faisait deux cents francs devant lui.

Gugenheim se retira. Le comte, sans ajouter mot, poussa sur le tapis tout ce qu’il avait devant lui, huit cents francs environ.

— Mon tout.

Marius ne pouvait tenir que jusqu’à concurrence de sa cave : il avait cinq cent quarante francs. Il les poussa et abattit son jeu.