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de voir sur le livre du bord quels passagers pouvaient être suspectés.

— En effet, voyons.

— Et nous aurons à faire le même travail à propos du personnel, car qui nous dit que cet illustre voleur se trouve parmi les passagers ?

— Il est peu probable qu’il soit parmi le personnel.

— Vous croyez ?

— Tous nos gens sont choisis par les chefs de service : le maître d’hôtel se charge de tous les garçons de restaurant ; le chef cuisinier de tous ses subordonnés ; enfin, nous avons le premier valet de chambre qui répond de tout ce que nous appelons « domesticité du bord », hommes et femmes. Comme ils sont responsables, ils n’engagent que des gens munis de leurs certificats ; tous se connaissent entre eux, Du reste, pour cette enquête, monsieur Lartigue, voulez-vous les convoquer, de façon discrète, bien détendu, et les avertir d’exercer une active surveillance ?

— Entendu, commandant.

— Quant à l’équipage, inutile de s’en occuper. Comme matelots, nous n’avons que des inscrits maritimes, et je ne pense pas que notre mystérieux voleur ait pensé à se faire inscrire au moment de sa naissance !

— Il aurait commencé, son métier bien jeune.

— Pour les chauffeurs et équipiers des soutes, nous recrutons ces gens-là un peu partout, mais il leur est interdit de s’introduire dans les parties du navire où ils n’ont pas à faire. Leur métier, de plus, est tellement dur qu’on ne l’exerce pas quand on peut en faire un autre !

— Surtout aussi lucratif que celui qu’exerce notre homme, ajouta Marius en riant.

— Donc, continua Maugard, nous revenons aux passagers ; il y a en ce moment à bord cent soixante-trois de première classe, quatre-vingt-deux de seconde et cent quarante-sept de troisième.

— Nous pouvons ne pas nous occuper des passagers des troisièmes. Comme il leur est interdit de venir à l’arrière, que la présence de l’un d’eux serait immédiatement signalée, notre homme, qui connaît évidemment les règlements aussi bien que nous, n’irait pas « de son voyage » pour remporter un aussi maigre butin que celui qu’il pourrait se procurer parmi les voyageurs de cette classe.

— Évidemment !

— Quant à ceux de seconde, il y a doute. Ces voyageurs prennent leurs repas dans la grande salle à manger, mais ils descendent aux cabines de leur classe par un autre escalier que celui qui conduit aux chambres des premières. De plus, à l’entrée des couloirs de celles-ci, demeure nuit et jour un huissier dont le seul service consiste à avertir les passagers de seconde qu’ils se trompent, s’ils prenaient par là, Enfin, à côté des impossibilités pour les passagers de deuxième et troisième classes de circuler sans être vus dans les endroits réservés à ceux de première classe, nous avons des probabilités morales qui indiquent que notre homme, cherchant certainement à faire un riche butin — sous un volume facile à dissimuler — tentera plutôt de s’approprier l’une ou l’autre parure de pierre précieuses qu’emportent avec elles les jolie perruches qui voyagent sur notre perchoir.

— Charmant, mais surtout puissamment déduit.

— je crois donc, conclut Maugard, que toutes nos recherches doivent porter sur les passagers de première classe. Est-ce votre avis, monsieur ?

— Tout à fait, opina le second.