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Chapitre VI

SUR LE « GLADIATEUR »


Depuis le 3 août 1492, date du jour où Christophe Colomb partit d’Espagne, à bord de la caravelle Santa Maria, les navires qui font la route d’Europe en Amérique ont plutôt changé d’aspect, et le grand navigateur — il ne s’étonnait pourtant pas de grand chose — qui mit quatre mois, exactement cent vingt-sept jours, pour accomplir sa première traversée de Palos à Cuba, serait certes surpris de voir les progrès réalisés de nos jours tant au point de vue du confort qu’à celui de la vitesse des bateaux.

On va maintenant à Yew-York du Havre en sept jours, de Queenstown en cent vingt heures, et deux semaines suffisent pour la traversée de Lisbonne à Rio de Janeiro. Quant à l’aménagement des bateaux modernes, il dépasse comme luxe, depuis ces dernières années surtout, tout ce que l’on peut rêver de plus inouï.

Sans être comparable aux paquebots actuels, dont certains jaugent de 45000 à 55000 tonnes, sans avoir les mobiliers somptueux, les huit et dix étages des grands transatlantiques, le Gladiateur pouvait cependant passer pour un modèle de confort et d’élégance.

Parti de Saint-Nazaire, la veille au soir, le navire marchait à bonne allure par un temps radieux, quand deux voyageurs parurent sur le pont-promenade.

Ces deux personnes formaient un couple charmant : l’homme, grand, brun, élégant ; la femme, blonde, mince de taille, avec des yeux noirs pleins de feu, se regardaient amoureusement et semblaient de jeunes mariés en voyage de noces.

À leur apparition, le capitaine qui, du haut de la passerelle où il était avec son second, les avait vus venir, se précipita à leur rencontre et s’inclinant devant la jeune femme, avec la politesse proverbiale des marins français :

— Comment avez-vous passé cette première nuit, Madame ?

— Admirablement, capitaine.

— Et vous, Monsieur Boulard ?

— Je n’ai jamais passé de nuit plus agréable.

— Il n’y a rien de tel, n’est-ce pas, qu’un peu de roulis pour donner des rêves délicieux…

— Et vous venez sans doute respirer un peu d’air salin pour prendre de l’appétit ?

— Vous nous avez devinés, capitaine, répondit la jeune femme qui n’était autre que Ketty, je disais préci-