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— C’est moins désagréable, n’est-ce pas ?

— Je ne sais comment vous remercier. Mais mon voleur ?

— Il a pu s’échapper et il est loin à l’heure qu’il est, mais le principal pour vous est de ravoir votre bijou, n’est-ce pas ?

— Évidemment, monsieur le commissaire, évidemment.

— Voulez-vous me donner votre nom, votre adresse à Paris, et votre lieu de résidence habituelle ?

— Parfaitement.

Et Marius, heureux de cette occasion d’épater la police, allait énoncer sa nouvelle fonction, quand il sentit combien sa situation de haut policier, volé, serait ridicule. Il réprima donc cette suggestion de son orgueil et répondit simplement :

— Marius Boulard, artiste peintre, à Paris, hôtel Bergère, 5, cours de l’Aude, à Carcassonne.

— Très heureux, monsieur Boulard, d’avoir pu vous rendre ce bijou. Et un conseil, méfiez-vous de vos voisins quand vous êtes au théâtre.

— Encore tous mes remercîments, monsieur le commissaire, pour la restitution de ma montre et aussi pour le conseil, car je me doute bien quel est mon voleur, et tous mes compliments.

Et Marius quitta le bureau en se disant : Et cette police-là aurait besoin de leçons ! Allons donc. Prévenir quelqu’un qu’il est volé et lui rendre l’objet soustrait avant même qu’il se soit aperçu du vol, c’est inimaginable !

Cette scène avait duré quelques minutes à peine et cependant, comme il passait pour sortir du bureau du commissaire, il se trouva nez à nez avec Ketty toute en pleurs.

— Vous pleurez, troun de l’air, petite Ketty ?

— C’est votre faute aussi.

— Ma faute, je tombe des nues.

— Dame, si vous avez porté bonheur à Mary, notre première rencontre n’a pas eu le même effet pour moi.

— Té, vous n’aviez pas le talisman !

— Le talisman ?

— Une mèche de mes cheveux dans un médaillon. Vous vous êtes moquée tantôt. Mais dites-moi, qu’est-il arrivé ?

— Voilà. Sans le faire exprès, j’ai marché en scène sur le pied de la première Piccallily. C’est une sale bête… Si, si, je sais ce que je dis. En arrivant dans les coulisses, elle m’a gifflée, je l’ai gifflée et notre manager, qui lui veut du bien, a pris son parti. Je l’ai gifflé aussi ; aussi a-t-il résilié mon engagement.

— Séchez vos larmes.

— Je n’ai pas de chagrin, je pleure de rage.

— Voulez-vous que je parle à votre directeur ?

— Oh non ; au fond, je suis enchantée de recouvrer ma liberté. Voici quatre ans que j’ai quitté mon pays et je devais y retourner dans trois mois. J’y retournerai dans huit jours, voilà tout. Comme c’est lui qui rompt notre engagement il doit me payer mon voyage de retour. J’y gagne !

— Mais nous ne pouvons rester là, en plein air ; voulez-vous, offrit galamment Marius, me permettre de vous offrir à souper ? Oh ! en tout bien tout honneur, continua-t-il.

— Comme cela, je veux bien. Allons chez Larue, à cette heure-ci nous y serons tranquilles.

Marius connaissait les façons d’être de ces petites danseuses-actrices anglaises et américaines. Bien loin d’avoir les mœurs faciles de leurs collègues belges ou françaises, elles acceptent volontiers un « flirt », mais