Cette déclaration d’amour qu’il n’avait osé faire à la petite Girl à Carcassonne, Marius se décida à la lui faire ce soir-là.
Somme toute, la demoiselle Piccallily ne pouvait l’avoir oublié.
Il résolut d’aller la trouver le soir même.
Il prit le parti de dîner légèrement, puis alla flâner en fumant des cigarettes autour de l’entrée des artistes de l’Alcazar d’Été.
Renseignements pris, le numéro des « Piccallily Girls » passant à 10 heures, ces jeunes personnes n’arrivaient au café-concert que vers 9 heures 1/4 au plus tôt.
Marius attendit plutôt impatiemment l’heure indiquée.
Enfin il vit arriver deux petites femmes de la troupe.
Il les connaissait pour les avoir fréquemment rencontrées dans les coulisses du théâtre, quand il faisait plutôt platoniquement sa cour à leur pseudo-sœur.
— Tiens, mais c’est monsieur Marius, le peintre de notre décor du théâtre de Carcassonne. Comment allez-vous et qu’est-ce que vous faites ici ?
— Je suis de passage à Paris et comme j’ai vu votre nom à l’affiche, je suis venu vous dire le bonsoir.
— C’est gentil, ça.
— N’est-ce pas ? Nous sommes tous comme ça, dans le Midi… Mais je ne vois pas miss Mary.
— Mary ?
— Oui ? Elle va venir bientôt ?
— Ah pauvre ! Vous pourriez l’attendre longtemps, si c’est pour elle que vous êtes venu… Mais vous ne savez donc pas ?
— Moi, je ne sais rien.
— Mary a épousé un lord, un vrai lord, mon cher, avec un million et un château. Elle a maintenant une chambre à coucher en acajou massif, elle nous l’a écrit.
— Et mon tableau ?
— Quel tableau ?
— Celui que je lui avais donné, avec ma signature encore, Marius Boulard, ça vaudra de l’argent plus tard.
— Soyez tranquille, Mary est une fille d’ordre, elle aura pris ses renseignements. Votre tableau ne doit pas être vendu. Tenez, voici miss Ketty, la remplaçante de Maud.
— On parle de moi, dit une jolie fille qui arrivait.
— Viens, Ketty, qu’on te présente. Miss Ketty, Monsieur Marius Boulard.
— Enchanté, mademoiselle.
— Vous êtes du Midi, monsieur ?
— Ça s’entend donc ! Mon Dieu, mademoiselle, pour les gens de Paris, évidemment je suis du Midi, mais pour ce qui est de ceux de Marseille…
— Écoute, Ketty, monsieur porte bonheur. Oui, oui, vous pouvez faire l’étonné. C’est Mary qui nous l’a confié. Au lendemain du jour où vous lui avez offert un médaillon en or contenant une mèche de vos cheveux, elle a fait la connaissance de son mari.
— Dites, monsieur, vous me donnerez à moi aussi un médaillon avec une mèche de vos cheveux ?
— Mais, miss Ketty, je ne suis pas amoureux de vous.
— Vous êtes un vilain malhonnête. Mais qu’avait-elle donc, cette Mary, pour vous séduire ainsi ?
— Je ne sais pas.
— Vous ne savez pas. En vérité, vous êtes un drôle d’homme. Voilà que vous poussez des soupirs à présent. Elle était donc bien jolie, miss Mary ?
— Moins que vous.