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Nord que je te dis. Naturellement il a parlé des chauffeurs de la Marne, et d’un tas de crimes récents, que personne ne connaît et dont les auteurs sont restés impunis. Dame, pendant ce temps-là, je n’étais pas fier. Mais heureusement, il a resservi la bande Bonnot ! Tout y a passé, depuis l’attentat de la rue Ordener, « l’audacieuse agression » a-t-il dit ! Des lieux communs quoi !

— Piteux !

— Je te cite ce mot parce que je m’en suis servi pour la réponse, et comment ! Tu verras tout à l’heure. Il a ressassé toute l’histoire, énuméré les victimes (je ne croyais pas, tu sais, qu’il y en eût autant), il a raconté le siège du hangar de Choisy-le-Roi, celui de la Villa de Nogent, montré Lépine, tel un général de corps d’armée, venant diriger les opérations, mobilisant la police, la gendarmerie, l’armée, l’artillerie, — près de 500 hommes, — obligé d’employer des bombes pour réduire un ou deux malfaiteurs, enfin, il a retourné sur le gril tout le haut personnel de la Préfecture, « impuissant à empêcher le crime, ridicule dans sa répression » !

— Fichtre !

— Il a alors pris un petit air avantageux, et a offert au ministre, responsable de ses subordonnés, de remettre l’interpellation, pour lui permettre de prendre ses informations et de décider des sanctions nécessaires.

— Si vous aviez accepté…

— J’étais perdu ! j’ai boudé à la tribune…

— Tel le jaguar !

— Sois donc sérieux. Et je te l’ai secoué ! Ah ! tu aurais ri. J’ai naturellement glissé sur les premières histoires — vraiment embarrassantes — et suis arrivé aux péripéties de la bande Bonnot, Garnier, Carrouy et consorts. Là, j’étais sur mon terrain, je le tenais. « Comment, lui ai-je dit, vous osez reprocher à la police parisienne son incapacité à propos de cet horrible cauchemar, au moment où nous venons à peine de nous réveiller, grâce à elle ! Vous reprochez à son chef, l’honorable préfet de police, d’avoir singé le rôle d’un général de corps d’armée, alors qu’au contraire vous devriez le féliciter, car s’il était là, c’était au premier rang, à l’endroit le plus dangereux, faisant son devoir avec calme, fermeté et simplicité, et cœtera, et cœtera… Vous citez la liste des victimes, c’est me rendre la réponse trop facile, car parmi elles, je vois l’agent Desmarey (celui-là est de Charleroi, mais personne ne le sait), le brigadier Dormoy, l’agent Garnier, le gendarme Trinquier, Messieurs Jouin, Colmar, Augène, Arlon, tous appartenant à des titres divers à notre police, à notre police que je couvre, et à laquelle je suis heureux de témoigner, ici, mon admiration et mon respect ! et cœtera, et cœtera ! »

— Bravo ! Je vois cela d’ici, le succès, mon oncle !

— Eh oui, on a applaudi ! Vous avez, ai-je continué, prononcé un mot tout à l’heure, pour qualifier le premier de ces actes de banditisme : « Audacieuse agression », avez-vous dit ? c’est donc que la police n’est pas chose inutile et vaine, puisque vous l’avez avoué vous-même, il faut de l’audace pour être criminel !

— Parfait ! très adroit !

— Alors, dans une péroraison émouvante, j’ai donné ma mesure, j’ai fait le tableau de tout ce dont nous menace l’armée du crime, accrue chaque jour d’éléments nouveaux, aguerrie, elle aussi, et disciplinée, j’ai montré, toujours en lutte avec elle, luttant d’initiative et de courage, la phalange dévouée de nos protecteurs, toujours prête à mettre leurs poitrines entre la population et les criminels ! et cœtera,