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tous les soirs de sept à huit heures, prendre son dîner dans ce bar de nuit, généralement désert à cette heure-là.

— En effet.

— Notre homme s’y rendait cependant quotidiennement depuis son arrivée, et se faisait toujours — c’est une indication — servir par le même Jeffries. Il y a là une préméditation évidente. Admirablement déguisé et maquillé du reste, il se faisait, cette fois, appeler monsieur Cinque Iglesias, et se donnait un air d’aventurier mexicain, plus vrai du reste que nature. C’est ce qui me l’a fait remarquer. Invité à dîner au Carlton par monsieur Boulard, j’ai reconnu mon Borchère et grâce à une substitution de paletot heureuse erreur du vestiaire, Boulard s’est trouvé avoir entre les mains le mouchoir volé à Weld…

— Vous dites volé ? Vous admettriez donc toutes les explications de ce dernier ?

— Je ne veux rien admettre, et vous allez voir que si je croyais ce que va vous dire notre filou, la culpabilité de Weld serait évidente et prouvée…

— Mon Dieu, dit à demi-voix miss Cécil !

— Rassurez-vous, ce qu’il va nous dire n’est pas parole d’Évangile et je crois qu’il veut nous tromper, ou qu’il a été trompé lui-même…

— Trompé, mais par qui ?

— Vous allez voir ; si je vous donnais mon avis, vous subiriez, malgré tout, mes impressions et je voudrais savoir justement si elles sont pareilles à celles que vous allez éprouver, en entendant les aveux de Martin Borchère-Cinque Iglesias.

— Des aveux ?

— Oui, je les ai obtenus en lui disant qu’il était inculpé de complicité de meurtre, ce qui est la vérité. Les gaillards comme lui veulent bien voler et risquer la prison, mais la chaise électrique leur répugne, et ils feront l’impossible pour éviter de s’y asseoir. Il a donc « mangé le morceau », comme dirait notre ami Boulard…

— Qui n’est toujours pas là.

— Si vous le voulez bien, nous allons demander par téléphone s’il est encore au Carlton, car cette absence prolongée commence à m’inquiéter.

— Tenez, voici un appareil accroché au mur.

— Merci. Et Stockton décrocha le récepteur.

— Allô. Donnez-moi le Carlton ?

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— 312, sans doute, je ne sais pas le numéro.

. . . . . . . . . . . . 

— Bien… le Carlton ?

. . . . . . . . . . . . 

— Appelez le chasseur. C’est vous, Grant ?

. . . . . . . . . . . . 

— C’est le détective Stockton qui parle.

. . . . . . . . . . . . 

— La personne qui dînait avec moi est-elle encore là ?

. . . . . . . . . . . . 

— Il ne reste que les dames. Demandez à la plus jeune, miss Ketty, de venir à l’appareil.

. . . . . . . . . . . . 

— Oui, c’est moi, Stockton, Monsieur Boulard est déjà parti ?

. . . . . . . . . . . . 

— Comment, il est parti en courant sans chapeau ?

. . . . . . . . . . . . 

— Comme un fou !

. . . . . . . . . . . .