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— Vendredi, avec le général Kendall ?

— Oui, rappelez vos souvenirs.

— Je cherche, mais voulez-vous m’aider. À quoi avait trait cet entretien ?

— Ce fut au club, vendredi, à propos des fiançailles de Georges Weld et de miss Cécil Kendall ; le général vous annonça celles-ci et…

— Oui, je me souviens maintenant.

— Vous rappelez-vous aussi les paroles que vous avez répondues à cette annonce de fiançailles ?

— De banales félicitations…

— N’y avez-vous pas joint l’expression d’un étonnement, une marque de méfiance quant au bonheur de cette union projetée, n’avez-vous pas exprimé vos impressions à ce sujet ?

— Je ne me rappelle pas exactement.

— Franchement ?

— Je sais que nous avons parlé, le général et moi, de ces fiançailles.

— Ne pourriez-vous vous rappeler des termes dont vous vous êtes servi ?

— Les termes mêmes ?

— Oui.

— C’est peut-être un peu difficile et même gênant de me faire rappeler cette conversation devant monsieur Weld.

— Soyez certain que je ne vous en veux ni ne vous en voudrai nullement, monsieur Obrig. Nous cherchons la vérité en ce moment, et je serai reconnaissant à quiconque nous mettra sur la voie. Je ne sais pas exactement où veut en venir Suttner, et je ne prévois pas le but de sa question, mais je vous adjure instamment de répondre à ce qu’il vous demande, sans aucune atténuation, même si votre réponse doit être désagréable pour moi.

— Eh bien, je répondrai donc nettement. Vous m’y autorisez aussi, Roland ?

— Je vous en prie, Obrig.

— Puisque tout le monde est d’accord, voici : Kendall venait de m’apprendre que le lendemain les fiançailles de sa fille avec Georges Weld devaient être officiellement annoncées au cours d’une fête à laquelle j’étais du reste invité. J’ai vu miss Cécil tout enfant et je suis, je le crois, le meilleur ami du général Roland Kendall.

— Vous avez raison de dire cela, Obrig.

— Ce mariage, qu’un mois auparavant j’aurais vu avec joie, me paraissait, vendredi dernier, moins avantageux pour miss Cécil : je fus donc sur le point de dire au général ce que je savais, mais je me rappelai à temps que j’étais tenu par le secret professionnel et que je n’avais pas le droit de divulguer les situations de nos clients, même les plus désespérées, pour servir les intérêts, même les plus respectables. Je m’arrêtai donc sur ce chemin dangereux en conseillant cependant à mon ami de demander à son futur gendre pourquoi il jouait à la Bourse pour le compte, et sous le nom de clients supposés.

— Moi !

— On m’a prié, vous-même me l’avez demandé, de répéter ce que j’avais dit, je le répète.

— Et vous croyez vraiment ce que vous avez dit ? continua Weld.

— Vous me faites une question injurieuse. Comment pouvez-vous supposer que j’aurais affirmé une pareille chose sans y croire, et sans être sûr, absolument sûr, de ce que j’avançais.

— Mais, monsieur, c’est une erreur grossière et même un mensonge…

— Monsieur !