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qui, seul avait pu lui voler ses clefs : un Mexicain, à coup sûr ! Or, les documents militaires avaient trait à une mobilisation contre le Mexique. Qui sait si le vol et le crime n’avaient pas eu uniquement ces papiers pour but !

L’audace avec laquelle on avait agi attestait, du reste, des gens puissamment documentés.

Certes, l’attentat avait dû être préparé de longue main.

Tout s’expliquait.

On avait volé ses clefs, supposant que comme d’habitude le samedi, on trouverait après son départ, Jarvis seul à la banque…

Jarvis était la victime désignée par avance. Il devait payer de sa vie son dévouement aux intérêts de son patron. Ces gens-là, du reste, n’avaient guère de scrupules. À tout prix ils auraient agi.

Bien sûr, les ouvriers qui avaient travaillé au coffre étaient des complices. Ils connaissaient la combinaison de lettres qui faisait mouvoir le mécanisme ; il leur avait été facile de les noter puisqu’ils avaient travaillé par deux fois, plusieurs heures, à l’intérieur de la chambre.

Jeffries, acheté à prix d’or, surveillait la victime désignée, et quand le malheureux fondé de pouvoir avait eu changé les lettres, de peur que le vol ne fut rendu possible, l’assassin avait été introduit ; le forfait accompli, puis l’argent et les papiers enlevés, la porte du bureau avait été refermée avec un crochet, un rossignol, sur Jarvis laissé pour mort.

Alors celui-ci revenait à la vie pour quelques secondes ; ne pouvant crier à cause de l’horrible blessure par où s’échappait son sang et sa vie, il s’était traîné jusqu’au coffre-fort laissé ouvert par les bandits, l’avait refermé, faisant ainsi jouer le mécanisme, et tombant, pour toujours, cette fois, devant la porte close, il croyait avoir sauvé le dépôt confié à sa garde !

En ce cas tout était perdu ! Jamais on ne retrouverait les criminels.

Depuis longtemps ils avaient fui à Matamoros, sûrs de l’impunité, abandonnant Jeffries à son sort !…

Pourquoi celui-là était-il resté ?

Pourquoi s’était-il vendu, lui, dont toute la vie avait été un exemple d’honnêteté ?

Il était chargé de famille, une somme considérable avait-elle pu le tenter ?

Oui. Pourquoi cet homme avait-il failli ?

En accusant son patron, il se disculpait ; en restant il détournait les soupçons…

N’allait-il pas se sauver, lui aussi, quand les policiers avaient été le chercher chez lui ? Qui pouvait affirmer le contraire ?

Et le malheureux Weld s’ancrait de plus en plus dans ses suppositions et regardait avidement la porte de la chambre forte !

— Ah ! ce mur d’acier, s’écria-t-il, ne pas savoir ce que nous allons trouver derrière lui ! Dix ans de ma vie pour pouvoir ouvrir cette porte !

— Eh bien ! monsieur Weld, vous n’avez rien fait venir du restaurant ?

C’était Horner, le chef du bureau de police qui entrait.

— Non, rien ! Je crois du reste qu’il me serait impossible de rien prendre.

— Vous avez tort. Un homme ne doit pas se laisser abattre, en aucune circonstance. Vous avez à vous défendre, à suivre les péripéties d’une instruction qui peut être longue. Croyez-moi. Il est près de neuf heures, vous devez mourir de faim.