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Chapitre III

UN PETIT COUSIN


Le solliciteur — quand on vient dans un ministère, c’est toujours pour demander quelque chose — le solliciteur qui pénétrait dans le bureau de Vaucaire aurait pu poser pour le prototype du parfait rapin élégant !

Vêtu de façon très convenable, il portait des cheveux très longs, la barbe en pointe et les moustaches tombantes à la façon des anciens chefs gaulois.

Son pantalon, de couleur foncée, était taillé à la hussarde, et son pourpoint, pardon, son veston à un rang de boutons, surmonté d’une cravate « lavallière », dénonçait la coupe savante d’un bon tailleur de province.

Son col « officier » encadrait un cou robuste supportant une tête à l’expression à la fois naïve et intelligente.

Ses mains tortillaient un feutre mou, mais ses mains portaient des gants ; bref, on sentait que cet accoutrement n’était pas l’affiche bohême d’un métier artistique, mais une façon habituelle de s’habiller.

Tel qu’il se présentait, M. Marius Boulard faisait plutôt bonne impression.

Il s’arrêta près de la porte du bureau, un peu embarrassé et anxieux malgré tout de la réception qui allait lui être faite.

— Mais entre donc, Marius, est-ce que tu serais devenu timide, par hasard ?

— Non, mais…

— Allons donc, un Méridional timide, mais ça ne se serait jamais vu !

— Écoute, mon bon Eugène, je ne suis pas timide, mais là, vraiment, je suis intimidé.

— Intimidé, par qui ?

— Eh bé, par toi.

— Par moi ! Tu veux rire.

— C’est que tu es devenu un personnage depuis dix ans que nous nous sommes vus. Ah ! tu as rapidement fait ton chemin ! À vingt-six ans, déjà neveu d’un ministre !

— Ah, par exemple, celle-là est bonne.

— Excuse-moi, mais je m’attendais à te voir gourmé, solennel…

— Tu me prenais donc pour un imbécile ?

— Ah ! certes non, et je suis tout heureux de te retrouver le même, toujours gai, bon camarade, comme lorsque nous étions ensemble à Carcassonne, au collège.

— Dire qu’il y a déjà dix ans de cela !

— Ah ! tu as bien oublié le pays.