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N’est-ce pas miraculeux ?

— C’est bizarre, tout au plus.

— Vous ne concluez rien de ceci ?

— Laissez-moi le temps de la réflexion.

— Quant à moi, mon opinion est faite.

— N’allez pas si vite, mon cher, n’allez pas si vite.

— Voyons, la chose est claire, lumineuse et vous me voyez exulter de bonheur. Eh oui, Weld est innocent. Tout ce qu’il a déclaré à l’instruction se contrôle point par point. Vraie l’histoire du chauffeur, vraie la panne malencontreuse, vrai le vol des clefs et du mouchoir.

— Qu’en savez-vous ? On a retrouvé les clefs.

— Mais pas le mouchoir ! Pas le mouchoir ! Or, le voici, le mouchoir, je le tiens, je le palpe. Vous n’allez pas dire que j’ai rêvé.

— Mon Dieu, mon cher Boulard, un peu de calme et attendons d’avoir une certitude absolue. En tout cas, ce mouchoir, que je crois être celui de Weld, en effet, nous servira toujours à quelque chose, il nous permettra d’arrêter Borchère ; mais remettez où vous l’avez trouvé cet inestimable bout de chiffon !

— Comment, vous allez vous dessaisir de cette précieuse pièce à conviction ?

— Eh ! mon cher, qu’est-ce qui vous prouve que ce pardessus est au comte ? Le lui avez-vous vu sur lui, et encore, quand il l’aura endossé, serez-vous certain qu’il en est le propriétaire ?

— Cependant…

— Soyons logiques et ne faisons pas de sentiment. Si je vous avais fait arrêter quand vous l’aviez sur vous ?

— C’est vrai. Mais comment nous assurer ?

— Laissez-moi faire. Remettez d’abord les choses à leur place. Quand Borchère aura passé le pardessus, si, une fois qu’il l’aura sur lui, il ne proteste pas, et s’il le reconnaît ainsi pour le sien, il sera arrêté au moment où il quittera le Carlton. La loi ne me permet pas d’arrêter sans mandat un voleur reconnu, hors le cas de flagrant délit, mais elle m’autorise à saisir un individu portant dans ses poches un mouchoir qui ne lui appartient pas. Là, vous voilà convaincu. Tout est en ordre ? Allons retrouver ces dames, elles doivent s’impatienter.

Marius eut un moment d’humeur. Ah, s’il se fut écouté, il eût sauté à la gorge de Borchère et tout eût été fini. Certes il ne serait pas embarrassé de tant de considérations.

— Enfin ! se dit-il.

Il entra dans les salons au moment précis où Ketty et sa mère y pénétraient par une autre porte.

Les femmes ont toujours à se mettre un peu de poudre de riz sur le bout du nez, et heureusement pour la bonne renommée de galanterie du méridional, mistress Trublett avait passé quelques minutes dans le « Salon de Toilette » à réparer des ans l’irréparable outrage. Elle n’avait donc pas eu à attendre — sans cavalier — dans les salons du Carlton.

Stockton, ou plutôt Sullivan, les rejoignit après avoir échangé quelques mots avec le chasseur, préposé également au vestiaire. Il est probable qu’il venait de s’occuper tout spécialement du comte de Borchère, car le chasseur rentra dans la pièce où se trouvaient suspendus les paletots et les chapeaux des clients, et mit à part ceux appartenant au pseudo Mexicain.