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manda-t-il au chauffeur, quand tous trois furent installés dans l’auto.

— Que vous est-il donc arrivé ?

— Des tas de choses. Ah ! j’en aurai long à vous raconter. Je préfère ne pas commencer, je ne m’arrêterais plus. Figurez-vous qu’à peine débarqué je suis mêlé à l’affaire la plus compliquée que la police américaine ait jamais eu à résoudre.

— Ah bah !

— J’ai déjà donné à mes illustres collègues d’ici quelques conseils qui ont été très appréciés.

— C’est bien ça.

— Autre nouvelle, je viens de rencontrer mon voleur, Borchère.

— Le comte ?

— Lui-même.

— Et vous ne l’avez pas arrêté ?

— Pourquoi faire ?

— Dame, puisqu’il vous a volé !

— Comme on voit que vous n’entendez rien aux choses de la police. On n’arrête pas un escroc parce qu’il a volé. On le laisse libre, on le surveille, puis, s’il cherche à recommencer, on le pince au bon moment.

— Moi, je l’aurais arrêté tout de suite.

— Erreur ! Profonde erreur. Du reste Borchère est devenu méconnaissable. Il est devenu Mexicain.

— Que racontez-vous là ?

— La vérité. Borchère s’est déguisé de façon admirable. Heureusement, nous autres, nous avons le flair. Stockton ne s’y est pas trompé une seconde. Vous allez voir. Cependant, n’ayez pas l’air de le reconnaître lorsque vous vous trouverez en face de lui.

— Nous allons nous trouver face à face avec un voleur ?

— Remets-toi, maman, il sera méconnaissable !

— Tout de même !

— Un conseil encore : ne reconnaissez pas non plus Stockton.

— Pourquoi ?

— Il est devenu John Sullivan…

— Mais pourquoi faire ?

— Pour surveiller Borchère… le Mexicain, veux-je dire !

Mistress Trubblett donnait des signes non équivoques d’inquiétude et considérait Marius avec un commencement de terreur…

On arrivait.

— Maintenant que je vous ai bien fait la leçon, n’est-ce pas, ne reconnaissez ni le Mexicain, ni Sullivan.

— Puisque je ne les connais pas !

— Enfin, ne faites semblant de rien, cela vaudra mieux, je vous le demande en grâce.

Puis pendant que Ketty et sa mère montaient majestueusement l’escalier, il paya le conducteur de l’auto et les suivit rapidement.

En haut de l’escalier, il se heurta à un gentleman, porteur d’une barbe de fleuve, cependant taillée irréprochablement, et blonde comme les blés. Un lorgnon, légèrement teinté, éteignait son regard vif, et légèrement railleur quand il rencontra celui de Marius.

— Eh ! mon cher, c’est comme cela que vous bousculez vos amis…

— Stockton !

— Chut ! John Sullivan, que vous oubliez de présenter à ces dames.

— Pardon, mille fois pardon. Mistress Trubblett, ma chère Ketty, voulez-vous me permettre de vous présenter monsieur John Sullivan, qui remplace notre ami Stockton, empêché au dernier moment de dîner avec nous. Mon cher John, miss Ketty, ma fiancée et sa charmante mère.