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— Bien, monsieur.

— Qu’est-ce donc au juste cette lettre ? Vous dites la tenir de monsieur Jarvis ? Cela me semble bien invraisemblable.

— Cela est, monsieur, je vous le jure.

— Et monsieur Jarvis vous a donné l’ordre de ne mettre cette lettre à la poste que demain ?

— Il me l’a dit, monsieur.

— C’est étrange.

— Monsieur Jarvis m’a remis cette lettre à trois heures moins quelques minutes, je m’en souviens exactement, c’était quelques instants avant que monsieur Georges Weld n’entrât dans le bureau.

— Vraiment ?

— À telles enseignes que je la tenais encore à la main, quand sur l’injonction de monsieur Jarvis, j’allai voir en haut de l’escalier des bureaux qui marchait dans le hall.

— Et vous vîtes monsieur Weld ?

— Oui, monsieur.

— Mais pourquoi cette lettre ne devait-elle être mise à la poste que demain ?

— Monsieur Jarvis me l’avait commandé ainsi, je n’avais pas à discuter son ordre.

— Bizarre ! Et à qui est-elle adressée ?

— Je n’y ai même pas fait attention. Je l’avais glissée dans la poche intérieure de mon habit. Rentré chez moi, j’ai passé un veston. Je l’avais sur moi lorsque le policeman est venu me chercher pour me conduire à la banque. Lorsque je suis rentré chez moi, j’ai passé à nouveau mon habit — il faut vous dire que je n’en ai qu’un — pour venir, comme je le fais chaque soir, reprendre mon service à sept heures au « Carlton ».

— Vous ne pensiez plus à cette lettre ? Vous auriez dû en parler au juge d’instruction.

— Certainement, monsieur, j’aurais dû, mais j’avais la tête perdue et j’ai oublié…

— C’est un oubli en somme assez naturel.

— Alors en mettant la carte dans ma poche, la lettre se sera glissée entre les feuillets.

— C’est donc la première fois que vous vous servez de la carte ?

— Oui, monsieur.

— Cependant pour ce dîneur.

— Oh, monsieur, c’est presque un habitué. Monsieur Cinque-Iglesias vient tous les jours ici depuis une semaine, et il ne demande que le dîner du jour, cuisine française.

— Il vient ici prendre tous ses repas ?

— Oui, monsieur.

— Et chaque fois dans le salon où vous servez ?

— Toujours, monsieur.

— Curieux !

— Ordinairement, il parle avec moi…

— Ah !

— Oui, mais aujourd’hui j’étais trop chagrin pour répondre à ses questions.

— Il vous questionne ?

— Oh, sur des choses vagues. Ce monsieur s’ennuie, je m’en aperçois bien.

— Sait-il que vous êtes employé à la banque Weld ?

— Depuis le premier jour, oui monsieur. Je le lui ai confié. Je crois qu’il a des fonds à déposer dans une banque, car il m’a demandé des renseignements à ce sujet…