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— Un cambriolage à la prison de la Santé ?

— Oui un détenu a voulu, avant sa sortie prochaine de prison, faire mettre en état les vêtements avec lesquels il avait été arrêté, les habits devaient être contenus dans une valise. La description des vêtements était au greffe. Cela avait été fait de manière admirablement correcte. Alors…

— Alors ?

— On a ouvert la valise et…

— Et elle était vide ?

— Oh non ! remplie de vieilles hardes, sales et ignobles, ne répondant en aucune façon au procès-verbal établi.

— Ça, c’est violent ! À la Santé ?

— À la Santé.

— Mais tu ne me parles jamais de tout cela ?

— Pourquoi ? C’est l’affaire du Préfet de Police. Et puis je croyais que toutes ces vétilles passeraient inaperçues ! Pense donc, qu’est-ce que c’est que tout cela à côté du « vol du collier », le fameux collier de trois millions ?

— Le fait est…

— Les journaux ont cependant assez à faire, assez de choses intéressantes à publier en ce moment : les événements balkaniques, les concours de l’athlète complet… Il faut encore qu’ils tombent un ministre.

— Sans compter qu’il y a là matière à interpellation.

— Bah, la Chambre va bientôt partir en vacances.

— justement. Il se trouve toujours des députés qui n’ont rien dit pendant la session. Avant d’aller revoir les électeurs, l’un ou l’autre aura là une superbe occasion de parler et de faire parler de lui. Tu comprends, dauber sur la police, accuser des fonctionnaires d’impuissance ou d’incapacité, c’est une facile besogne, et qui trouve toujours de l’écho dans le public. C’est très embêtant !

— Il semble cependant que dans l’affaire du collier, la police française a fait preuve d’une réelle sagacité.

— Je ne dis pas, mais elle n’est toujours pas débrouillée, cette affaire, et voilà quinze jours qu’on en parle. Si la police parisienne semble avoir prouvé que le vol a été commis en Angleterre, le collier est toujours introuvable ! Enfin, hier, un comble, on a pu enlever un coffre-fort dans un immeuble situé en plein Paris, le transporter dans un terrain vague, l’ouvrir, voler le contenu et l’immerger dans la Seine, sans que la police soit intervenue. Tu penses si cela devient ridicule, et si nous allons être en butte à la risée publique.

— Évidemment !

— Ce matin, pour pouvoir répondre à une question, à une demande d’interpellation possible, probable même, j’ai réuni tous les hauts fonctionnaires de la préfecture de police…

— Qu’est-ce qui a été décidé ?

— Comme toujours, pas grand’chose.

— Quoi encore ?

— Envoi de missions à l’étranger pour étudier les principales façons de procéder des polices anglaises, belges, américaines, etc., etc.

— Existe-t-il des crédits pour cela ?

— Oui, heureusement, et plus heureusement encore, ces crédits n’ont pas encore été employés jusqu’à ce jour.

— Avez-vous pris des mesures ? Désigné des personnalités ?

— Justement : le préfet de police, le chef de la Sûreté, le préfet de la Seine, le directeur de la police judiciaire, le procureur général, chacun a proposé son candidat…