Page:Cromarty - K.Z.W.R.13, 1915.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avant même que la voiture soit arrêtée, il me frappa sur l’épaule et me mit un billet de banque dans la main. Comme je demandais ce que je devais rendre ? « Gardez tout » me fut-il répondu ! Supposant que c’était un billet de cinq dollars, je le mis tout plié dans ma poche sans le regarder. Mon client descendit, à peine arrivé devant la porte, et entra. Je repartis pour me rendre au garage, car je n’avais pu faire qu’une réparation de fortune, et le moteur avait besoin d’être sérieusement arrangé.

— Pourquoi êtes-vous revenu ici ?

— J’allais vous le dire, monsieur. Une fois arrivé au garage, et ma voiture rendue, j’avais à faire mon compte avec le loueur puisque je changeais d’auto. Je sortis donc de mes poches l’argent que j’avais reçu dans la journée. Je m’aperçus alors que le billet que monsieur m’avait donné était non pas d’une valeur de cinq dollars, mais bien un billet de cent dollars !

— Un billet de cent dollars ! s’écria Suttner.

Weld ouvrit en même temps son portefeuille :

— En effet, dit-il, c’est bien un billet de cent dollars que j’ai donné par erreur.

— Oh ! je pensais bien que c’était par erreur, aussi quand j’ai été en possession d’une seconde voiture, mon premier soin a-t-il été de venir ici, pour le rapporter ; le voici.

Rosenthal tira le billet de sa poche et, l’ayant déplié, le tendit à Weld.

— J’ai bien cru que monsieur ne devait pas être assez content de moi pour me donner un tel pourboire, car monsieur m’a assez maudit sur la route de Kendall House !

Les explications si simples, si naturelles du chauffeur avaient convaincu Suttner. Il était incontestable que Weld avait dit vrai. Donc, le banquier ne pouvait être à son bureau au moment du crime, si on admettait les dires de Rosenthal.

Il allait exprimer cette opinion, heureux de trouver son ami innocent quand Stockton fit un pas en avant, prit le billet de banque et le gardant à la main après y avoir jeté un coup d’œil rapide :

— Voulez-vous me permettre de poser quelques questions, demanda-t-il au juge.

— Faites, Stockton, répondit Suttner un peu étonné.

— Avant tout, monsieur Weld, continua Stockton, je tiens à vous dire encore que je ne suis ni pour vous, ni surtout contre vous. Je dois chercher à établir la vérité, et je souhaite sincèrement que votre innocence soit reconnue. Les questions que je vais vous poser, à vous et à cet homme vous sembleront peut-être partiales ; vous allez croire que je veux établir votre culpabilité, alors que je n’ai qu’un but, découvrir « le » coupable, s’il y en a un. Je crois du reste que je ne vais pas ainsi à l’encontre de vos idées, car vous devez désirer, plus que moi encore, qu’il ne puisse planer sur vous l’ombre d’un soupçon.

— Certes, et quoi que vous fassiez, soyez sûr d’avance que je ne puis que vous être reconnaissant.

— Eh bien ! le billet de cent dollars que le chauffeur vient de vous remettre est-il le seul de cet import que vous ayez dans votre portefeuille ?

— Non, j’en avais un autre encore et six billets de cinq dollars.

— Voulez-vous vérifier ?

— Weld ouvrit son portefeuille, et regarda : il restait en effet sept billets