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ciens élèves arrivés aujourd’hui à des situations officielles ou notables, à X., qui vient d’être élu à l’Académie, à Y., qui ne l’a pas été, si bien que…

— Si bien que ?

— Lorsque je suis sorti du banquet, j’avais horriblement mal à la tête. Après une mauvaise nuit, je me suis endormi au petit jour et quand je me suis réveillé, il était tout près, tout près de onze heures !

— C’est vrai, ce mensonge-là ?

— Presque !

— Enfin ! Mais je te le répète, tu ne seras jamais sérieux !

— Alors, je me suis levé quatre à quatre et je me suis dépêché de venir, comptant sur mon oncle pour qu’il m’excuse auprès du ministre !

— Bon apôtre, va ! Enfin, ne parlons plus de cela. Assieds-toi, nous allons causer pendant que je finis de déjeuner.

— Vous ne m’invitez pas ?

— À quoi faire ?

— À déjeuner, je meurs de faim. Vous savez les lendemains de migraine…

— Allons, déjeune et écoute-moi.

— Je vous écoute.

Et Vaucaire attira sur son assiette une aile de poulet froid et se versa de la tisane frappée, boisson souveraine comme on sait pour dissiper les migraines.

— J’ai eu une matinée épouvantable. Ordinairement, c’est toi qui lis les journaux et qui me fais ton rapport. Ce matin, je les ai parcourus moi-même.

— Aïe, aïe !

— Oui, aïe aïe ! Jamais ministère ou plutôt jamais ministre n’a été éreinté comme je le suis ! Tous les journaux semblent s’être donné le mot, mais c’est surtout dans le Temps d’hier soir, dans le New-York Herald, dans le Journal de ce matin que je suis pris à partie.

— Le Journal, ça ne fait rien.

— Tu trouves ?

— Et puis, si tu es attaqué par le Journal, tu seras défendu par le Matin ! C’est toujours ça.

— Soit. Mais, le Temps, c’est une feuille sérieuse, qui soutient ordinairement le ministère. Eh bien, je te réponds que dans son article de ce matin, il attaque rudement le ministre de l’intérieur.

— Donne que je lise.

— Tiens, là, par terre, à ta droite. Tu ne vois pas ?

— C’est qu’il y en a des feuilles sur le tapis… Ah, voici le Temps.

— Lis. Qu’en dis-tu ?

— Dame, je dis qu’il y a du vrai.

— Je te remercie du concours que tu me prêtes…

— Et encore, dans ce qu’on reproche à la police, on en oublie…

— Tu trouves que ce n’est pas suffisant ?

— Dame on ne parle dans cet article ni des assassins mystérieux de l’homme tatoué, ni de l’agression de la rue Polonceau, ni de la bande des quatre routes à Bois-Colombes…

— Hein ?

— On omet l’assassinat de Georges Léonard par des joueurs de passe restés inconnus, le cambriolage de l’église de Chaillot par des malfaiteurs introuvables, l’émission des faux titres de la Société Électrique…

— Tu dis ?

— On ne parle pas des nouveaux exploits de la Bande des Collectionneurs, toujours prête à recommencer ses méfaits, ni « perle rare » du cambriolage de la prison de la Santé.