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— Bien. Où avez-vous conduit monsieur Weld ?

— Monsieur m’a donné l’ordre de le conduire à la maison de campagne du général Kendall.

— Vous connaissez cette route ?

— Oh oui, monsieur.

— Vous saviez où se trouve la maison du général ?

— Oh ! monsieur, tout le monde dans Brownsville connaît Kendall House, et ces temps derniers j’y ai conduit souvent des officiers.

— Bien, vous quittez donc la banque, vous suivez Laredo Street, Texas Square, Michingam avenue, sans doute ?

— Oui, monsieur le juge.

— Je présume que vous sortez de la ville par Colorado Lane ?

— En effet.

— Vous voilà dans la campagne. Vous n’avez rien de particulier à me signaler ?

— Je vois que monsieur le juge sait.

— Faites donc comme si j’ignorais tout.

— C’est simple, monsieur le juge. Ma voiture marchait plutôt mal. J’étais ennuyé de cela parce que mon client m’avait demandé d’aller vite. Que voulez-vous, j’avais prévenu le patron que le moteur ne rendait pas régulièrement. Mais monsieur sait peut-être comment on se moque de ces choses à la compagnie…

— Bon, bon, passez.

— Ça leur est bien égal que le client soit mécontent !

— Passez, vous dis-je…

— Donc on n’allait pas très vite. À un moment, nous étions à environ dix ou douze kilomètres de Kendall House, quand tout à coup mon client, ce monsieur, me dit : Retournons à Brownsville où vous m’avez pris et tâchez d’aller vite ; vous aurez un fort pourboire. Je tournai et je demandai au moteur tout ce qu’il pouvait donner.

— Ah !

— Sans doute trop, monsieur, car un ou deux kilomètres après, il s’arrêta : nous avions une panne sérieuse.

— Vous êtes allé aussitôt demander de l’aide ?

— Demander de l’aide ! bon Dieu ! Et à qui ? Il n’y a pas de maison dans un rayon de trois ou quatre kilomètres.

— Savez-vous à peu près où vous étiez ?

— Comment, monsieur ?

— Oui, à quel endroit de la route ?

— Certes, monsieur, à deux ou trois cents mètres de la borne 14.

— Bien, continuez.

— J’essayai vainement de remettre la voiture en marche. Pas moyen. Il me fallut démonter le moteur et redresser une pièce faussée. Heureusement que j’en avais de rechange.

— Bref, combien de temps a duré la réparation ?

— Près de trois quarts d’heure, monsieur. Et je réponds que je rageais ! Mon client avait l’air si ennuyé… il faisait les cent pas…

— Bien, bien ! Et pendant tout ce temps, aucune auto, aucune voiture n’a passé sur la route auprès de vous ?

— Aucune, monsieur, c’est comme un fait exprès. Du reste, l’aide qu’on eût pu m’apporter ne m’aurait pas avancé beaucoup !

— Enfin, la réparation est faite et vous revenez.

— Oui, monsieur, et alors on allait bon train. Je croyais que mon client me garderait pour retourner à Kendall House, quand en arrivant ici,