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Et Suttner alla chercher dans le bureau d’à côté les deux femmes qui attendaient : l’une, miss Cecil, anxieuse, cachant mal son chagrin et son inquiétude ; l’autre, mistress Kendall, pensive, les sourcils froncés, réfléchissant.

— Veuillez entrer mesdames, et prenez place. Je n’ai que peu de chose à vous demander. Miss Cecil, je sais à l’avance ce que la situation où se trouve Weld a de pénible pour vous et…

— Excusez-moi, monsieur Suttner, de vous interrompre, mais si je suis d’avis que cette situation est particulièrement grave, je ne puis vous laisser dire qu’elle a quelque chose de pénible pour moi. Je considère Georges comme mon fiancé. J’ai donc en lui la plus grande confiance et je ne peux le croire capable d’un crime.

— Bravo ! ne put s’empêcher de dire Marius, à voix basse, il est vrai, et croyant ne pas être entendu.

Il se trompait. Stockton le foudroya d’un tel regard de mépris que le pauvre Marius se recroquevilla sur sa chaise ; mais, en lui-même, et pour sa satisfaction personnelle, il répéta son interjection, et regardant miss Cecil avec un respect mêlé d’attendrissement :

— Elle me plait, cette brave petite, dit-il « mezzo voce », en répondant à Stockton par un regard de défi que celui-ci accueillit avec un calme sourire. Eh oui, elle me plait.

Cette courte scène avait passé naturellement inaperçue et Suttner avait repris la parole :

— Dans ce cas, miss Cecil, je crois inutile de vous demander quoi que ce soit ?

— Vous avez raison. Je ne pourrais du reste vous raconter que des faits, et ils sont nombreux, à la louange de M. Weld, je n’en connais du reste pas d’autres.

— Quant à vous, mistress Kendall, je ne crois pas que vous puissiez éclairer la justice ?

Mais Mad avait regardé Georges : les yeux de celui-ci, en entendant parler sa fiancée, témoignaient d’un tel amour, d’une telle reconnaissance que la jeune veuve ne put se défendre d’un retour de basse jalousie ; elle répondit donc, d’une voix mauvaise :

— Oh ! je ne pourrais guère que répéter ce que je vous ai dit tout à l’heure, monsieur Weld a refusé mon offre…

— Votre offre… ?

— Oui, l’offre que je lui avais faite de passer le prendre ici à deux heures et demie avec ma voiture.

— C’est vrai, offre que Weld a refusée, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Quant à ce que j’ai entendu au téléphone, cela n’a pas, je crois, grande importance.

— Ma tante… supplia miss Cecil.

— Vous avez entendu quelque chose au téléphone ?

— Oui.

— Quand cela ? Dites ?

— Je ne sais si je ne ferais pas mieux de me taire…

— Pardon, mistress Kendall, vous en avez trop dit maintenant pour vous taire, et même si ce que vous allez dire devait m’accabler, je vous prie, bien plus, je vous ordonne de parler.

— Vous m’ordonnez ?

— Certes !

— C’est donc vous qui l’aurez voulu. Voici. Ne vous voyant pas arriver, ma nièce, inquiète, demanda au téléphone la communication avec la banque. Au moment où celle-ci lui fut