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vieil ami de votre père et mon meilleur ami à moi. « Vraiment, me dit-il, les fiançailles seront publiées demain ? — Oui. — « Du reste, « fiançailles » ne veulent pas dire « mariage ». Fort surpris de ces paroles, je le sommai de s’expliquer. — Je ne le puis, me répondit-il, sans trahir le secret professionnel ; du reste, je dois demain faire une démarche dont le résultat pourrait me prouver que je ne vois pas juste et je ne veux pas me faire l’écho de commérages. Mais demandez cependant à votre futur gendre pourquoi il joue à la Bourse pour le compte de clients supposés…

— Vous dites ? interrompit Weld.

— Je vous répète les propres paroles de votre agent de change.

— Mais c’est une erreur. Jamais je n’ai fait chose pareille, jamais je n’ai fait d’opérations de Bourse pour le compte de ma banque, ou pour mon propre compte, et jamais surtout, je n’aurais joué sous des noms supposés. Pour qui Obrig me prend-il ?

— Je vous répète ce qu’il m’a dit. Ne l’avez-vous pas vu ce matin ?

— Quelques secondes à peine. Il venait en effet pour me parler, mais pressé par l’heure, je l’ai renvoyé à Jarvis. Il est en effet resté avec lui.

— Ceci s’éclaircira, puisque j’ai prié monsieur Obrig de venir le plus tôt possible. Il nous expliquera tout à l’heure ses paroles.

— Je dois ajouter, continua le général, qu’Obrig en me quittant, disait du reste, si l’intervention est décidée avant la prochaine liquidation, il gagnera des millions.

— Je vous jure que je n’y comprends rien ! Je me demande en ce moment si je suis dans mon bon sens, et si j’entends vraiment ce que vous dites !

— Attendons, dit Suttner, tout s’expliquera à son heure. Cependant, ajouta-t-il en se tournant vers Kendall, vous étiez, malgré cette conversation, décidé à publier les fiançailles de votre fille ?

— Certes. Comme l’a dit Obrig, il y a une différence entre fiançailles et mariage, et je ne croyais pas que Georges ait pu faire quoi que ce soit d’incorrect. Cependant j’étais anxieux, et je dois avouer à ma honte qu’en ne le voyant pas à quatre heures et demie, j’ai eu, avant de connaître ce qui s’était passé, l’idée de profiter de cette impolitesse et de remettre à quelques jours la publication fixée à aujourd’hui, mais comme je viens de vous le dire, j’ai eu honte de cette mauvaise pensée et de me servir de ce futile prétexte. Si Georges était arrivé chez moi avant votre coup de téléphone, ses fiançailles avec miss Cecil eussent été annoncées.

— Aviez-vous mis votre fille au courant de cette conversation avec monsieur Obrig ?

— Non. D’abord je ne l’ai pas vue hier au soir ; elle s’était retirée chez elle quand je suis rentré. La nuit porte conseil, dit le proverbe ; ce matin, après avoir réfléchi, j’étais décidé à laisser aller les choses. Il ne faut pas juger les gens sur des apparences. Je me suis donc tu.

— Je ne crois pas, général, avoir autre chose à vous demander. Si vous le permettez, je vais poser quelques questions à mademoiselle et à votre belle-sœur.

— Je vous laisse.

— Non, faites-moi le plaisir de rester dans cette pièce, vous n’êtes pas de trop ici, vous pouvez entendre ce qui va être dit et au besoin me donner quelques éclaircissements.