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chef de la Sûreté, monsieur le Procureur général, tout le Parquet pour ainsi dire.

— Vraiment !

— Monsieur le chef du cabinet n’a pas encore lu les journaux ce matin ? continua l’huissier en suivant le jeune homme dans le somptueux bureau que celui-ci occupait.

— Non… ce matin, très très occupé.

Et monsieur le chef du cabinet retirant son léger paletot d’été, apparut en costume de soirée : la chemise un peu fripée, mais à part cela impeccable.

— Donnez-moi mon gilet et ma jaquette de bureau. Là, merci, Dumont.

Et le jeune homme, changeant de vêtements, de cravate, devint en quelques secondes le fonctionnaire accompli, à l’air grave et sérieux, que réclamait la haute situation dont il était chargé.

— Mon oncle est-il encore à son bureau ?

— Non, monsieur Vaucaire, monsieur le ministre est remonté dans ses appartements particuliers. Monsieur le chef de cabinet sait sans doute qu’il est midi passé ?

— Déjà ? je croyais qu’il était à peine midi ! Je monte déjeuner avec mon oncle. Cet après-midi, je recevrai à partir de deux heures jusqu’à cinq. Vous entendez ?

— Parfaitement, monsieur le chef de cabinet.

— Qui est venu ce matin ?

— Toujours les mêmes gens. Des députés, des sénateurs…

— Influents ?

— Peuh ! Entre les deux.

— C’est tout ?

— Ah ! un Méridional, de l’âge à peu près de Monsieur le chef de cabinet. Il se dit le cousin de monsieur.

— Vous avez sa carte ?

— Elle est sur le bureau. La voici.

— Marius Boulard. En effet, c’est un de mes cousins éloignés. Il doit revenir ?

— Il est toujours là, incrusté sur sa banquette. Dois-je le faire entrer ?

— Ah diable, non ! Je suis déjà bien assez en retard. Mais dites-lui de revenir tout à l’heure de deux à cinq.

— Bien, monsieur le chef de cabinet.

Vaucaire rajusta sa cravate, jeta un coup d’œil dans la glace qui surmontait la cheminée de son bureau, et certain que rien ne clochait dans sa toilette, il se dirigea du côté des appartements particuliers du ministre.

Quand il pénétra dans la salle à manger, celle-ci était jonchée de journaux froissés ou dépliés.

Le ministre jetait rapidement un coup d’œil sur les articles de fond, sur le « leader-article », comme on dit maintenant, puis la feuille parcourue allait rejoindre les autres gazettes gisant sur le tapis.

— Ah ! te voilà !

— Oui, mon oncle.

— Tu n’es vraiment pas sérieux !

— Oh ! mon oncle, pouvez-vous dire !

— Tu arrives à midi passé au ministère ?

— Vous oubliez, mon oncle, que vous m’aviez chargé de vous représenter hier soir au banquet donné par le comité des anciens élèves du Lycée Hugues Capet, où vous avez été élève ?

— Oui, eh bien ?

— Eh bien, j’ai été obligé de répondre aux nombreux toasts qui ont été portés, à la République aux différents ministres, aux anciens proviseurs, au nouveau proviseur, aux an-