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et demie, tous les invités y devaient être déjà rendus.

— Il est incroyable et malheureux souverainement qu’aucun invité n’ait eu du retard. J’étais, moi, dans le cas, cependant voyez cette malechance : je quittais le parquet vers trois heures cinquante minutes pour me rendre à Kendall House, lorsque le coup de téléphone du chef de la police me prévint de me rendre immédiatement ici.

— La fatalité !

— Cependant je ne dois pas m’être trouvé seul dans ce cas.

— Je puis vous affirmer que personne n’a passé sur la route.

— Enfin, laissons cela. Ce point sera élucidé demain. À quel endroit exactement la panne de moteur s’est-elle produite ?

— À cela, je puis répondre nettement : entre les bornes kilométriques 14 et 15. J’en suis certain, car en faisant les cent pas pendant que le chauffeur réparait, j’ai été jusqu’à la borne 14 dans la direction de Brownsville.

— Cet endroit est en effet tout à fait inhabité. Je connais la route, dit Suttner, car autrefois j’ai voulu acheter du terrain par là. Je vous fais remarquer, Weld, que voilà enfin une réponse précise. Jusque là vous nous avez donné des explications si embrouillées, si peu probantes, que je ne puis vous cacher le mauvais effet qu’elles ont produit sur moi.

— Je n’ai cependant dit que la stricte vérité. Et ce qui m’étonne, Suttner, c’est que vous, qui me connaissez depuis si longtemps, puissiez accorder quelque créance à une accusation aussi absurde.

— Permettez…

— Non, je maintiens le mot ! Car enfin à tout crime il y a un mobile, une raison. Ce mobile, cette raison, les concevez-vous un seul instant ? Je suis riche et j’allais épouser la femme que j’aimais. Pourquoi aurais-je commis un crime, et un tel crime ! L’assassinat d’un homme que j’aimais, qui m’a pour ainsi dire élevé, avec qui je n’ai jamais eu aucune discussion et qui connaissait tellement l’affection que j’avais pour lui que, pouvant à la mort de mon père être nommé directeur de notre banque, il avait préféré me faire désigner, moi ! Ma situation, je la lui dois en partie, mais s’il a contribué à me la faire obtenir, c’est qu’il savait que sa place était marquée à côté de la mienne, non seulement parce que j’avais conscience de sa haute compétence financière, mais parce que je l’aimais profondément. Et je l’aurais tué ! Mais je vous le demande encore, pourquoi ?

— Si nous pouvions vous répondre, Weld, la cause serait jugée, car c’est évidemment là le point faible de l’accusation qui pèse sur vous et j’espère que vous aurez dissipé nos soupçons avant qu’une réponse à votre question puisse être faite. Mais vous venez de dire que vous étiez riche. C’est en effet ce que tout le monde croit. À combien estimez-vous votre fortune ?

— Je possède en propre un peu plus de 500,000 dollars, une partie en valeurs de premier ordre, déposée comme garantie de ma gestion et à peu près 200,000 dollars en terrains dans le quartier est de Brownsville. Cette évaluation est de beaucoup en dessous de la valeur réelle, puisqu’elle est calculée sur les prix d’achat effectués il y a quinze ans par mon père. Or, depuis cette époque, ces terrains ont plus que doublé de valeur et rien que les propriétés bâties, les locations diverses des terrains nus, me rapportent 6 à 7 pour cent d’intérêt. Enfin,