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— Mon pauvre ami, mon second père ! Quelle peut être la main criminelle ?… Car un suicide, allons donc ! Je l’ai quitté il y a deux heures à peine, gai, souriant, me félicitant de mes fiançailles, heureux de mon bonheur, et c’est ainsi que je le retrouve. Un suicide, lui ! Pourquoi ? Non, non, c’est un crime et je jure bien que mon pauvre Jarvis sera vengé !

Et Georges essuyait les larmes qui l’aveuglaient.

— Pauvre garçon, dit tout bas Marius à Stockton.

— Un peu théâtral, répondit celui-ci.

— Ainsi, mon cher Weld, vous écartez l’hypothèse du suicide ?

— Absolument. Je connais trop Jarvis.

— C’est du reste aussi mon avis personnel. Mais avant tout, venez dans votre bureau pour que je vous mette au courant.

— Allons.

Tous rentrèrent dans le bureau, et Suttner tendit à Georges le rapport du médecin, les interrogatoires d’Henderson et d’Halsinger.

— Prenez connaissance de ces pièces, mon cher Weld ; d’après les premières constatations, le crime, si crime il y a, n’a pu être commis qu’entre trois heures et trois heures et demie, pendant que votre huissier Henderson et le portier Halsinger étaient absents. Car, à moins que la déposition de Jeffries ne nous éclaire, personne jusqu’à présent n’a vu ni entrer, ni sortir l’assassin inconnu, puisqu’assassin il y a ; nous n’avons pas non plus retrouvé l’arme du crime. Peut-être cette arme se trouve-t-elle dans un tiroir de ces bureaux, ou même dans le coffre-fort, mais bien que les clefs de Jarvis aient été retrouvées sous sa main, nous n’avons pas cru pouvoir nous en servir pendant votre absence. Aussi était-ce impatiemment que nous attendions votre retour. Au fait, avez-vous vu miss Cecil Kendall ?

— Non…

— Vous ne venez donc pas de Kendall House ?

— Non, je suis revenu…

— C’est vrai, vous ne savez rien à votre arrivée. Comment donc se fait-il ?…

— Que je sois revenu sans être allé chez ma fiancée ? Une suite de circonstances aussi bêtes que la réalité, mon cher. Je suis parti d’ici déjà un peu en retard, à deux heures trois quarts, mais en somme comme il ne faut en auto plus de trente à trente-cinq minutes pour faire le chemin jusqu’à Kendall House, je pensais ne guère arriver beaucoup en retard. Juste au moment où je sortais de la banque, une automobile de louage passait ; je l’arrêtai et promettant un bon pourboire au wattman, je lui recommandai d’aller vite. La recommandation n’était pas inutile, j’étais tombé sur une mauvaise voiture. Enfin, malgré tout, nous allions arriver, j’en avais tout au plus pour dix minutes encore, quand en cherchant à l’avance de l’argent dans mes poches pour payer l’auto, je m’aperçus que j’avais oublié mes clefs. Or, à mon trousseau, se trouve la clef du coffre-fort, et celui-ci contient des sommes et des papiers tellement importants que malgré tout ce qui m’appelait à Kendall House, je fis contre mauvaise fortune bon cœur et je dis au wattman de revenir sur ses pas.

— Vous eussiez mieux fait de continuer, de prévenir et d’envoyer quelqu’un, quitte à revenir ensuite, dit Stockton

— C’est vrai, je n’ai pas pensé à cela.