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GRÉGOIRE DE NAZIANZE

m’ont mis la vieillesse, les maladies et le regret de ta perte ? Mais le Seigneur agrée ce que nous faisons selon notre pouvoir. Pour toi, regarde-nous du haut des cieux, âme heureuse et sainte[1] ! »


Ces mêmes qualités se retrouvent, à des degrés divers, dans tous les discours de Grégoire. Son éloquence est personnelle et pourtant très religieuse. Nul ne mêle plus volontiers ses souvenirs et ses impressions à tous les sujets qu’il traite ; et alors même qu’il ne parle pas directement de ce qui le touche, il ne s’en abstrait jamais d’une manière complète. Le méditatif qui était en lui avait pris l’habitude de la vie intérieure, de l’entretien avec soi-même, et les idées qu’il avait à exprimer sortaient de son âme toutes pleines de tout ce qui faisait sa personnalité. Mais, comme, en se repliant sur lui-même, il y cherchait Dieu et l’y trouvait, c’étaient des impressions toutes religieuses qu’il en rapportait[2]. Voilà pourquoi les choses du dehors l’attirent médiocrement. Il est peu observateur des hommes en société, il ne peint guère leurs manières d’être, il ne fait pas de la satire morale ; on chercherait en vain, dans ses discours, ces tableaux de genre qui ont fait le succès d’autres prédicateurs. Sa psychologie est tirée de son expérience personnelle ; elle est simple et juste, plutôt solide que fine ou variée. En général, elle s’attache peu aux détails. L’esprit de Grégoire se concentre sur quelques pensées qui lui suffisent et qu’il développe avec une abondance de textes, de raisonnements et d’images. La dialectique se mêle en lui au lyrisme. Il se complaît dans le dogme,

  1. Grég. de Naz., t. I, p. 372-73, Morel. Traduction de Fialon, Saint Basile, p. 283.
  2. Disc. 29, Sur l’institution des évêques, t. I, p. 486, Morel : Οὐδὲν γάρ μοι δοκεῖ τοιοῦτο οἶον μύσαντα τὰς αἰσθήσεις, ἔξω σαρκὸς καὶ κόσμου γενόμενον, μηδενὸς τῶν ἀνθρωπίνων προσαπτόμενον ὅ τι μὴ πᾶσα ἀνάγκη, ἑαυτῷ προσλαλοῦντα καὶ τῷ θεῷ, ζῆν ὑπὲρ τὰ ὁρώμενα, etc.