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BASILE

au devant de leurs étonnements, provoque au besoin leur curiosité, leur signale lui-même les difficultés, leur fait prévoir les objections que les païens pourront leur proposer à propos de ces textes ; et, se mettant à leur portée, il leur rend raison de tout. Point d’allégorie : tout, dans le récit biblique, doit être pris à la lettre, tout y est réel. Sa science naïve méprise les recherches des savants et ignore leurs doutes : elle a, sur des points difficiles, des explications d’enfant ; mais elle est charmante par sa sincérité, par ses ressources d’invention, par la manière ingénieuse dont elle arrange tout, par le sentiment qui l’anime. Le spectacle de l’univers émerveille l’orateur, soit par sa beauté, qu’il décrit en poète, soit par l’adaptation des moyens à certaines fins dont il croit découvrir le secret. Il y a en lui du Fénelon et du Bernardin de S. Pierre, en bien comme en mal : une éloquence naturelle, douce, chaude, colorée, parfois élevée, et, avec cela, une ingéniosité confiante, qui fait sourire. Les plus petites choses lui sont sujet d’admiration ; il y voit des intentions qu’il note avec bonheur. Si la tige du blé est géniculée, c’est qu’elle doit supporter le poids de l’épi ; si celle de l’avoine ne l’est pas, c’est qu’elle ne risque point de plier sous sa panicule légère. Les barbes de l’épi ont leur raison d’étre, elles servent à tenir à distance les insectes nuisibles[1]. « Tout, s’écrie l’orateur, contient une sagesse cachée », πάντα ἐχει τινα σοφίαν ἀπόρρητον. Mais ces petites choses ne l’empêchent pas de voir les grandes ; et il y a du ravissement dans la peinture qu’il fait du monde sortant des mains de Dieu et tout couvert d’une végétation luxuriante. L’inspiration venue de la Bible s’unit tout naturellement, dans ses développements lyriques, à la grâce délicate et spirituelle de la Grèce ancienne.

  1. Hexahéméron, V, 3.