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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

luste, que la jalousie de Constance éloignait de lui. Malgré quelque rhétorique, ces pages sont vraiment belles par la sincérité du sentiment, par la gravité et l’élévation des idées. Il y a beaucoup des mêmes qualités dans la Lettre à Thémistios, sorte d’examen de conscience, dans lequel le jeune empereur se demande à lui-même comment il pourra justifier les espérances dont l’éloquent philosophe s’était fait l’interprète. — Un des premiers éditeurs de Julien, le P. Petau, a séparé de cette lettre avec raison un long fragment que l’erreur d’un copiste y avait mêlé. Ce morceau a dû être extrait d’une sorte d’Instruction, adressée par l’empereur à un grand prêtre au sujet de la religion et du sacerdoce. Julien y expose avec une éloquence simple les vertus qu’il attend d’un prêtre des dieux : la sainteté des mœurs, la vraie piété, l’amour des hommes.

C’est le mystique, le spéculatif, le rêveur aussi, qui apparaît dans les Discours IVe et Ve. Le Discours IVe, adressé Au Soleil Roi (Εἰς τὸν βασιλέα Ἥλιον), est une sorte de méditation, écrite en trois nuits, pendant les saturnales, probablement en 361 ; les idées, comme Julien le déclare lui-même, sont celles de Jamblique ; mais on sent assez avec quel goût personnel il les développe, et quelle satisfaction intime y trouve sa piété. Le Discours V, À la mère des dieux (Εἰς τὴν μητέρα τῶν θεῶν), écrit en une seule nuit et tout d’un jet, probablement en 363, à la veille de l’expédition contre les Perses, manifeste la même dévotion ardente et subtile. Dans l’un comme dans l’autre, règne une sorte d’exégèse passionnée, qui, s’attachant aux anciens mythes comme à une révélation divine, les interprète par la philosophie, par les oracles, par la sagesse chaldéenne, à la lumière de la raison qui est Dieu. Docile comme un croyant sincère, Julien est en même temps un inspiré.