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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

prendre les sentiments. Avec des intentions droites et une nature généreuse, il fut ainsi amené à user envers eux de taquineries mesquines, quelquefois même cruelles, et à leur faire une guerre sourde, où il compromit plus d’une fois sa dignité d’homme et d’empereur.

Nous n’avons pas à étudier ici la politique de Julien, ni même sa philosophie, qui d’ailleurs ne différait pas de celle de ses maîtres[1]. Ce qu’il importe de remarquer toutefois, c’est que la lutte de Julien contre le christianisme n’était aucunement, comme on pourrait être tenté de le croire, celle de la raison contre la foi, de la libre pensée contre l’autorité dogmatique, de la conscience individuelle contre le sacerdoce. En fait, la théologie néoplatonicienne de Julien était tout aussi pénétrée de mysticisme que la théologie chrétienne, et la part qu’elle faisait à la révélation et à l’inspiration divine n’était guère moindre. Quant à l’influence sacerdotale, il n’avait rien plus à cœur que de la développer. La grande différence, au point de vue pratique, était que Julien prétendait se rattacher à toute la tradition grecque, tandis que les chrétiens ou la rejetaient expressément ou regardaient ailleurs. Cela explique comment la victoire du christianisme dut entraîner à bref délai la répudiation presque absolue du legs de l’antiquité.

Julien trouva le temps dans sa courte vie d’écrire beaucoup. Mais il s’en faut que tous ses écrits soient venus jusqu’à nous ; et, parmi ceux qui ont disparu, se trouvaient justement quelques-uns de ceux qu’il eût été le plus désirable de connaître.

Trois discours officiels, qui occupent une assez grande place dans ses œuvres, n’ont pour nous qu’un très médiocre intérêt. Ce sont deux Panégyriques de l’empereur

  1. H. Naville, Julien l’Apostat et sa philosophie du polythéisme, Neufchatel, 1877.