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CHAP. VI. — DE SEPTIME-SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

d’autres d’un caractère exégétique ou dogmatique. L’influence classique se manifeste surtout dans trois de ses œuvres, qui sont des dialogues de philosophie religieuse. Le plus connu est le Banquet des dix vierges (συμπόσιον τῶν δέϰα παρθένων (sumposion tôn deka parthenôn)), dont le texte entier nous a été conservé[1]. L’imitation de Platon y est sensible : il y met en scène dix vierges, qui, tour à tour, dissertent sur la charité, sans doute pour faire antithèse aux discours des personnages de Platon sur l’amour. Comme œuvre d’art, cela est médiocre. Ces vierges sont de vrais docteurs, qui n’ont rien d’aimable, malgré le sentiment poétique qu’on ne peut refuser à l’auteur ; et, de plus, l’excellence de leurs intentions leur fait un peu trop oublier la réserve qui eut été séante à leur sexe. Du moins, elles s’expriment en assez bon langage, et elles savent raisonner sans diffusion et sans prolixité. Certes, nous sommes loin, de toute façon, du dialogue platonicien ; mais enfin, il y a là vraiment un sentiment nouveau de ce que c’est qu’écrire et composer[2]. Deux autres dialogues, Sur le libre arbitre (Περὶ τοῦ αὐτεξουσίου (Peri tou autexousiou)), et Sur la Résurrection (Περὶ τῆς ἀναστάσεως (Peri tês anastaseôs)), tous deux dirigés contre les idées d’Origène, ne nous ont pas été conservés dans leur intégrité ; mais nous en possédons d’importants fragments. On y retrouve les mêmes qualités littéraires, le même tour d’imagination poétique uni à une dialectique assez dégagée. Donc, chez Méthodios, l’enseignement chrétien, sans rien perdre de sa gravité, commence à se préoccuper de plaire et à se débarrasser du pédantisme de l’école. Il s’achemine ainsi tout droit vers des habitudes nouvelles qui le feront entrer dans la littérature proprement dite.

  1. Carel, S. Methodii Palarensis convivium decem virginum, thèse, Paris, 1880.
  2. À la fin du repas, l’une des vierges, Thécla, chante un hymue iambique, dont ses compagnes répetent le refrain. Sur cet hymne, voir E. Bouvy, Poètes et Mélodes, Nîmes, 1886, p. 30-42, 124-126.