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CHAP. VI. — DE SEPTIME SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

mains aucun progrès. Elle est de valeur moyenne, précieuse encore pour nous par l’abondance et le bon choix des détails, mais bien moins curieuse et suggestive que celle de Plutarque par exemple. Le souci de l’exactitude, chronologique et géographique, atteste la conscience de l’auteur. Dans la dernière partie de son ouvrage, très mutilée, Dion parlait, souvent en témoin, des choses qui s’étaient passées de son temps. Ce qu’il en dit présente un intérêt particulier. Mais cela est exceptionnel. D’ailleurs, Dion a de véritables faiblesses d’esprit : les songes et les présages deviennent pour lui des événements graves, et il en multiplie les relations jusqu’au ridicule. En dehors de cela même, son esprit, naturellement judicieux, manque de hauteur et de pénétration. Il ne sait ni s’élever librement au-dessus des préjugés et des partis pris, ni embrasser l’ensemble d’une époque ou le rôle total d’un homme d’État, ni dégager les grands traits d’une figure historique. Son récit est sensé, substantiel, instructif, d’une exactitude générale très probable ; on se dit, en le lisant, qu’on n’est pas trompé ; mais on n’a pas le sentiment d’être pleinement et vivement éclairé sur beaucoup de choses obscures qui seraient pourtant importantes à connaître.

Comme il fallait en ce temps qu’on imitât toujours un des grands auteurs classiques, Dion avait pris Thucydide pour modèle[1]. Nous venons de voir de combien il s’en est fallu qu’il lui ressemblât dans la partie scientifique de sa tâche. On ne peut pas dire qu’il soit beaucoup plus près de lui comme écrivain. Ses qualités littéraires semblent pourtant avoir été très estimées de ses contemporains et des lettrés des siècles suivants. Photius loue la noblesse de son style, le choix de ses

  1. Photius, cod. 71 : Ἐν δὲ ταῖς δημηγορίαις …μιμητὴς Θουϰυδίδου, πλὴν εἴ τι πρὸς τὸ σαφέστερον ἀφορᾷ· σχεδὸν δὲ ϰὰν τοῖς ἄλλοις Θουϰυδίδης ἐστὶν αὐτῷ ὁ ϰανών.