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GALIEN ; L’ÉCRIVAIN

sorte, il n’y a jamais eu de grand savant, il n’y en a pas plus aujourd’hui qu’autrefois. La faculté de lier les observations de détail et d’en tirer des conséquences est une des conditions fondamentales de l’esprit scientifique, et il semble bien que, chez Galien, cette faculté ait été de premier ordre. Ce qu’on peut regretter, comme il l’a d’ailleurs regretté lui-même, c’est que la nécessité de discuter lui ait pris trop de temps. Il eût mieux valu, pour le progrès de la science, qu’il eût poursuivi des recherches personnelles sur quelques points obscurs, au lieu de défendre des résultats qui lui paraissaient acquis. Le goût des discours, même sous sa forme la plus légitime, est le seul trait qui dénote en lui le contemporain des sophistes.

Ces hautes et saines qualités d’esprit se reflètent naturellement dans son style. « Le premier mérite de la diction, écrivait-il, c’est, à mon avis, la clarté[1]. » Et, en effet, il est clair avant tout. Cette clarté provient en partie du bon choix des mots ; nulle recherche, nulle bizarrerie ; les termes ordinaires, connus de tous[2], sans affectation d’archaïsme ni d’atticisme, comme aussi sans concessions exagérées aux négligences de l’usage courant. Mais, si l’on va plus au fond des choses, on s’aperçoit qu’il est clair surtout parce que sa pensée est naturellement analytique et ordonnée, parce que ses idées se décomposent, se développent, se rangent avec méthode. Le mouvement de son style est égal, avec quelque lenteur. L’écrivain revient parfois sur ce qu’il a déjà dit, pour insister, pour marquer les phases de la démonstration. De là, une certaine prolixité, sans diffusion pourtant. Le discours ainsi fait a plus de bonne tenue

  1. Forces physiques, c. 1 : Ἡμεῖς γε μεγίστην λέξεως ἀρετὴν σαφήνειαν εἶναι πεπεισμένοι.
  2. Ibid. : Καὶ ταύτην (la clarté) εἰδότες ὑπ’ οὐδενὸς οὕτως ὡς ὑπὸ τῶν ἀσυνήθων ὀνομάτων διαφθειρομένην, ὡς τοῖς πολλοῖς ἔθος, οὕτως ὀνομάζοντες.