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CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

plus de violence et moins d’esprit, il semble s’être donné pour tâche de décrier la croyance aux dieux et surtout la divination. De ses divers ouvrages, un seul nous est connu par d’importants fragments. C’était une diatribe virulente contre les oracles, intitulée Les charlatans pris sur le fait (Γοήτων φωρά)[1]. Les extraits étendus qu’Eusèbe en a insérés dans sa Préparation évangélique nous permettent encore de nous en faire une idée[2]. Dans une discussion moqueuse et mordante, il y tournait en dérision un certain nombre des oracles célèbres rapportés par les historiens, surtout par Hérodote : et au nom de la liberté humaine, il protestait contre le déterminisme des Stoïciens. Sa dialectique, parfois obscure, paraît plus pressante que subtile, plus emportée que souple et pénétrante. Mais il a une verve, un éclat, une sincérité âpre, qui frappent vivement. Julien lui a reproché durement sa grossièreté[3] ; Œnomaos est pour lui le type du cynique qui déshonore le cynisme ; mais Julien était un dévot du paganisme ; les railleries d’Œnomaos l’avaient blessé dans ses croyances. Son jugement ne doit donc pas être accepté sans réserve. Œnomaos, tel qu’il nous apparaît dans ce que nous lisons de lui, n’est ni un grand esprit ni un rare écrivain, mais c’est une des figures marquantes de ce temps.

IV

Après la philosophie, un autre élément non moins nécessaire à l’appréciation de l’hellénisme d’alors serait l’exposé de l’état de la science contemporaine. Mais cet

  1. Julien, Or. VII, p. 210 D, mentionne de lui des tragédies, qui ressemblaient par l’esprit à ses écrits en prose.
  2. Prépar. évang. V, 19-36 ; VI, 7.
  3. Julien, pass. cité. Cf. Or. VII, p. 209 B et Or. VI, p. 199 A.