Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/715

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
697
MARC-AURÈLE

constante de soi-même, par un désir ardent de la perfection, qui était le fond de sa nature.

Les écrits qui nous restent de Marc-Aurèle sont les uns en latin, les autres en grec. Romain de naissance, il semble que le grec n’aurait dû être pour lui qu’une langue étrangère. Pourtant il n’en est rien. S’il écrit en latin à Fronton, il écrit en grec quand il se parle à lui-même, quand il se met seul en face de sa conscience ; et la façon dont il le fait prouve qu’il n’y apporte aucun effort ni aucun apprêt. C’est que le grec, étant la langue de la philosophie, a été celle de son éducation morale. Rien là qui ressemble à un jeu de lettré, à une transposition artificielle de la pensée. Marc-Aurèle, qui est romain dans la société et dans son rôle officiel, est vraiment grec comme penseur et comme moraliste. C’est en cette langue que ses maîtres lui avaient révélé tout d’abord le bien, les règles de la conduite, toute la sagesse et toute la vertu ; c’est en cette langue que sa conscience continuait à lui parler et qu’il lui répondait instinctivement.

Laissons donc de côté la correspondance latine, quelque intéressante qu’elle soit d’ailleurs[1], et allons droit aux Pensées (Τὰ εἰς ἑαυτόν.)

Ce petit volume, aujourd’hui divisé en douze livres[2], semble avoir été écrit par Marc-Aurèle, au jour le jour, dans les dernières années de sa vie. Le premier livre, achevé au bord du Gran chez les Quades, est postérieur à 166, probablement même à 169, mais antérieur à 176, date de la mort de Faustine (I, 17). Le second, composé

  1. M. Cornel. Frontonis et M. Aurelii imperatoris epistulæ, rec. Naber, Lipsiæ, 1887 ; une partie de cette correspondance a été étudiée par M. G. Boissier, La jeunesse de M. Aurèle et les lettres de Fronton, Rev. des Deux Mondes, 1er avril 1868.
  2. Cette division est déjà signalée par Suidas. Elle n’est autorisée qu’en partie par le Vaticanus A. Il est fort douteux qu’elle remonte à l’original.