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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

par un assez long fragment[1]. Dédié à l’empereur Commode, il était destiné, comme l’indiquait son titre, à ceux qui voulaient exercer l’art de la parole, et il avait pour objet de leur fournir une provision de termes et de locutions autorisées[2]. C’était en quelque sorte un « cahier d’expressions », composé par un professeur érudit et homme de goût[3]. Celui-ci n’avait d’ailleurs en aucune façon la prétention d’imposer le même langage à tous les genres. Entre les expressions qu’il avait recueillies, il distinguait celles de l’éloquence, de l’histoire, de la conversation, de la causerie satirique, des propos d’amour : preuve d’un discernement juste ; mais, pour le choix de ses autorités, Phrynichos se montrait sévère. Bien qu’il admirât fort quelques contemporains, par exemple l’orateur Ælius Aristide, expressément loué par lui au xie livre, il ne reconnaissait comme modèles du pur attique que Platon, Démosthène et les neuf autres orateurs du canon alexandrin, puis Thucydide, Xénophon, Eschine le Socratique, Critias et Antisthène, enfin Aristophane ; et pour la poésie, Eschyle, Sophocle et Euripide. Encore faisait-il un second choix entre ces élus eux-mêmes, pour mettre définitivement à part Platon, Démosthène et Eschine le Socratique, considérés seuls comme les représentants de la perfection. Tout cela, évidemment, était assez puéril, comme d’ailleurs l’atticisme lui-même. Ni Phrynichos ni ses coreligionnaires ne sentaient, comme ils l’auraient dû, la nécessité de renou-

  1. Publié par Bekker dans les Anecdota, I, p. 1-74, d’aprés le ms. Coislinianus 345 de la Bibl. nationale.
  2. Phot. cod. Ἔστι δὲ τὸ βιβλίον λέξεων τε συναγωγὴ καὶ λόγων κομματικῶν, ἐνίων δὲ καὶ εἰς κῶλα παρατεινομένων, τῶν χαριέντως τε καὶ καινοπρεπῶς εἰρημένων τε καὶ συντεταγμένων.
  3. Pour le composer, Phrynichos avait profité des travaux de ses prédécesseurs, notamment de ceux d’Ælios Dionysios, mais il n’est pas douteux qu’il n’en eut tiré la plus grande partie de ses notes personnelles.