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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

dents de leur vie, réels ou fictifs[1]. Atticiste au sens le plus large du mot, il aime à se transporter dans l’Athènes épicurienne du ive siècle, dont il peint, avec grâce et esprit, l’élégance, les mœurs faciles, la vie brillante et dissipée, sans oublier d’ailleurs ni la misère des pauvres gens ni la ladrerie des avares. Son livre est pour nous un document historique, qui nous instruit en nous amusant. Ses peintures sont légèrement moqueuses, comme l’était la comédie qu’il imite ; mais elles le sont moins par le dessein de l’écrivain que par la fine vérité des mœurs. C’est de la satire légère, enjouée, pourtant précise, qui fait revivre les folles amours, les vices, les faiblesses, les travers d’une autre époque, avec la complaisance d’un lettré, habitué à voir tout cela à travers des œuvres charmantes. Dans cette exactitude, il y a d’ailleurs aussi un élément important d’invention fantaisiste. Celle des noms propres, en particulier, quand ils ne sont pas empruntés à l’histoire, est aussi libre que piquante.

Comme écrivain, Alciphron est un de ceux du second siècle qui possèdent le mieux l’ancienne langue attique. Moins sûr de lui pourtant et moins correct que Lucien, il a quelque chose de son aisance, de sa finesse, de son enjouement, sans l’égaler ni par la fantaisie ni par le trait.

Nous retrouverons plus loin le même genre, cultivé au siècle suivant par Élien et par Philostrate. Mais rien ne fait mieux ressortir le mérite d’Alciphron que de le comparer à ceux qui ont voulu faire après lui ce qu’il avait fait.

  1. Lettre de Ménandre à Glycère, II, 3 ; de Glycère à Ménandre, II, 4.