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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

comme interprètes des dieux. Dans les quelques pages Sur le deuil (Περὶ πένθους), il raille les croyances relatives aux enfers et tout l’appareil des cérémonies funèbres. La lettre narrative à Cronios Sur la mort de Pérégrinus nous offre un récit satirique du suicide du philosophe cynique Pérégrinus, surnommé Protée, qui, en 165, selon, Eusèbe, se brûla volontairement aux jeux Olympiques. L’auteur, avec une verve mordante, y démasque le charlatanisme des Cyniques, la naïveté crédule de la foule, son empressement aux apothéoses, sa foi toujours prête aux miracles. L’Histoire vraie, une des plus amusantes compositions de Lucien, se donne elle-même pour une parodie des inventions fantaisistes communes aux poètes, aux voyageurs, à beaucoup d’historiens même et de géographes : c’est en réalité une sorte de réfutation par l’absurde de tout ce que la Grèce menteuse, selon le mot de Juvénal, avait osé en fait d’affirmations paradoxales. L’Alexandre, écrit sous le règne de Commode, contient l’esquisse satirique d’une biographie de l’imposteur Alexandre d’Abonouteichos, qui avait fondé au temps de Marc-Aurèle un oracle dans le Pont. Lucien, qui l’avait vu à l’œuvre, nous révèle ses impostures, et, en nous représentant la prodigieuse stupidité de ses dupes, parmi lesquelles figurèrent d’illustres personnages, il éclaire tout un côté curieux de la société de son temps. — C’est sans doute au même groupe d’écrits qu’il faut rapporter le roman intitulé l’Âne. Empruntant à un certain Lucius de Patras l’idée de la métamorphose d’un homme en âne par l’effet de la magie, ainsi que le canevas des aventures qui en sont la suite, il s’amuse de ces folles inventions, qui deviennent pour lui un thème plaisant de narrations paradoxales, quelquefois libertines, souvent très intéressantes par la peinture vive des mœurs populaires et