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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

l’Hippias, et le Pseudosophiste, si ces trois morceaux sont vraiment de lui ; non que ces diverses compositions aient une date certaine, mais parce qu’en tout cas elles ne révèlent dans leur auteur que le bel esprit, très habile à plaire. Tout cela est spirituel, fin, coquet, quelquefois amusant, mais sans aucune portée. Toutefois, dans la Salle, les descriptions sont d’un artiste délicat, et le Jugement des voyelles, sous sa forme plaisante, offre un intéressant document, relatif à la prononciation contemporaine. Il est probable qu’au milieu de ces futilités brillantes doit être insérée une œuvre plus sérieuse, le Nigrinus, où Lucien raconte un épisode de sa jeunesse, sa visite au philosophe Nigrinus à Rome, leur entretien, et l’émotion vive, mais passagère, qu’il en ressentit[1]. Ce fut comme une brusque apparition de la philosophie dans cette vie de succès frivoles, et il l’a notée en traits frappants. Cette première série d’œuvres se clôt par le Songe (Περὶ τοῦ ἐνυπνίου), où Lucien, déjà connu, et rentrant dans son pays, raconte son enfance à ses compatriotes de Samosate ; par les Portraits (Εἰκόνες) et la Défense des Portraits (Ὑπὲρ τῶν Εἰκόνων), dialogues composés, comme on l’a vu plus haut, en 163, et dans lesquels l’auteur fait ingénieusement l’éloge de la belle Panthéa de Smyrne qu’aimait alors l’empereur Lucius Verus ; enfin, par la jolie satire Sur la manière d’écrire l’histoire (Πῶς δεῖ ἱστορίαν συγγράφειν), écrite peu avant la fin de la guerre des Parthes, qui se termina en 165.

Une seconde série d’écrits commence vers ce temps et remplit la plus grande partie de la vie de l’auteur. D’une manière générale, ils ont tous un caractère philosophique, plus ou moins prononcé. Cette série s’annonce par le dialogue sur la Pantomime (Περὶ ὀρχήσεως), l’Anacharsis

  1. Wetzlar, Commentatio de Luciani ætate, vita et scriptis, Marburg, 1833. M. Croiset, le Nigrinus de Lucien, Mém. de l’Ac. des Sc. et Lettres de Montpellier, t. VI.