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DÉBIT ET MIMIQUE DES SOPHISTES

vention, la grande affaire. Le sophiste devait travailler sa voix comme un chanteur, pour lui donner la souplesse, l’éclat, la variété, dont elle était capable. Les mieux doués obtenaient ainsi des résultats étonnants ; le discours devenait dans leur bouche une sorte de chant aux modulations infinies. « Polémon, nous dit Philostrate, avait une voix éclatante, pleine de force, et sa langue faisait sonner les mots merveilleusement[1]. » Alexandre, surnommé Péloplaton, « mettait dans son discours des rythmes plus variés que ceux de la flûte et de la lyre ; » un jour, interrompu au milieu d’une improvisation par l’arrivée d’Hérode Atticus, il la recommença, « en changeant les pensées et les rythmes. » Lorsque Adrien de Tyr occupait la chaire de sophistique à Rome, il attirait, au témoignage du même auteur, ceux-là même qui ne comprenaient pas le grec. « On venait l’entendre comme un rossignol mélodieux, tant on était ravi du charme de sa voix, de sa tenue, de la souplesse de sa prononciation et des rythmes de son langage, qui était tantôt simple parole et tantôt chant[2]. » IL est vrai que quelques critiques d’un goût sévère, comme Lucien, se moquaient de ces discours en musique et de ces roulades[3] ; mais le public en était charmé, et c’était au public qu’on voulait plaire.

Naturellement, la mimique était en rapport avec la voix. Il fallait qu’un bon sophiste fût un bon acteur. Scopélien parlait souvent avec une mollesse affectée,

  1. V. S. I, 25, 7 : Φθέγμα δὲ ἦν αὐτῷ λαμβρὸν καὶ ἐπίτονον καὶ κρότος θαυμάσιος οἱος ἀπεκτύπει τῆς γλώττης.
  2. Ibid., II, c. 10, 5 : Ἠκροῶντο δὲ ὡσπερ εὐστομούσης ἀνδόνος. τὴν εὐγλωττίαν ἐκπεπληγμένοι καὶ τὸ σχῆμα καὶ τὸ εὔστροφον τοῦ φθέγματος καὶ τοὺς πεζῇ τε καὶ σύν ᾠδῇ ῥυθμούς.
  3. Maître de rhétorique, 19 : Ἢν δέ ποτε καὶ ᾆσα : καιρός εἶναι δοκῇ, πάντα σοι ᾀδέσθω καὶ μέλος γιγνέσθω. Cf. Philostr., Vies des Soph., II, 28 : καμπαῖς ᾀσμάτων, αἴς κἂν ὑπορχήσαιτό τις τῶν ἀσελγεστέρων.