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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

Mais, si on la considère comme une méthode d’exposition historique, on voit immédiatement combien elle offrait de dangers pour bien peu d’avantages. À supposer qu’elle eût quelque intérêt propre lorsqu’il s’agissait de personnages entre lesquels existaient vraiment des ressemblances naturelles, soit de caractère, soit de destinée, elle ne pouvait manquer de devenir tout artificielle dans la plupart des cas. Elle devait conduire le biographe à mettre ensemble des personnages qui ne se ressemblaient en rien, et cela est arrivé en effet à Plutarque bon nombre de fois. Si même ce biographe eût été un esprit plus vigoureux, habitué à suivre logiquement ses idées, la préoccupation du parallélisme n’aurait-elle pas nécessairement déformé pour lui la réalité ? En s’attachant à chercher des ressemblances, il devait forcer certains traits et, par contre, en négliger d’autres, en somme faire ses personnages autres qu’ils n’étaient. Ce qui a préservé Plutarque de cet inconvénient, c’est qu’en fait il n’a pratiqué sa méthode que superficiellement. Le parallélisme, pour lui, ne consiste guère que dans le simple fait d’accoupler deux biographies. Quelquefois, il indique, au début de la première, les raisons de cet accouplement ; raisons presque toujours vagues et de peu de valeur. Dans le cours même du récit, la méthode de rapprochement est tout à fait oubliée. Elle reparaît à la fin dans les comparaisons (συγκρίσις), qui terminaient chaque volume. C’est là évidemment qu’elle aurait pu être utile ; or l’auteur n’en tire qu’un mince profit : ses comparaisons restent à la surface des choses, elles ne dégagent presque jamais les grands traits caractéristiques des personnages mis en parallèle. De telle sorte que, si sa méthode n’a pas chez lui tous les inconvénients qu’elle aurait pu avoir, en revanche elle n’a guère d’avantages sensibles.

Au fond, le plus grave défaut de Plutarque, en tant