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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

Il a du sens, de la tenue, une certaine méthode même, qui suffit à la plupart des lecteurs ; et, ainsi, sa causerie est vraiment une dissertation, qui se propose d’instruire, et qui instruit en effet.

Beaucoup de ses écrits sont en forme de dialogues[1]. Cette forme, la philosophie l’avait créée à son usage au ive siècle avant notre ère, et on sait ce qu’en avaient fait Platon, Eschine, Aristote, et beaucoup d’autres. Depuis, elle l’avait, semble-t-il, à peu près abandonnée ; sans doute parce que le dialogue exige un art très délicat, et que ni les Stoïciens ni les Épicuriens ne se souciaient d’art littéraire.

Plutarque la reprit, certainement sous l’influence de Platon, et parce que le sens de l’art se ravivait alors dans le monde hellénique. En le faisant, il se proposa d’abord de plaire à ses lecteurs : il lui sembla, non sans raison, que cette forme rendrait plus intéressants les sujets qui s’y prêtaient, qu’elle donnerait à la philosophie quelque chose de vivant et de dramatique, qu’elle aiderait par conséquent à faire valoir certains exposés d’idées par l’agrément extérieur. Et peut-être obéit-il aussi à une autre raison. Aimant, comme nous l’avons vu, la société et les entretiens, ce fut un plaisir pour lui que de chercher à en reproduire l’image. Puis, en s’attachant à cette

  1. Nous possédons quinze dialogues sous le nom de Plutarque mais il faut écarter le Banquet des Sept Sages, qui n’est certainement pas de lui. Restent donc quatorze dialogues authentiques, savoir : Préceptes de santé, Manière de supprimer la colère, Sur l’E de Delphes, Sur les oracles de la Pythie, Sur La cessation des oracles, Sur les délais de la vengeance divine, Sur le démon de Socrate, Propos de table, l’Érotique, Sur le visage qu’on voit dans la lune, Sur l’intelligence des animaux de terre et de mer, le Gryllos, Sur les notions communes contre les stoïciens, Qu’il n’est pas même possible de vivre agréablement selon la doctrine d’Épicure. Il faut y ajouter les dialogues perdus : Sur l’âme, S’il serait utile de connaître l’avenir, Sur la chasse, et peut-être quelques autres, dont la forme ne se laisse plus deviner dans les fragments.