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LE LYCÉE

sayait de maintenir la tradition d’Aristote. Ici encore, l’activité des esprits est grande. La doctrine d’Aristote n’est pas plus que celle de Platon un catéchisme qu’on répète fidèlement ; elle est surtout une méthode de pensée et de travail. À vrai dire, on ne s’écarte guère du maître en métaphysique ; on considère comme définitive sa théorie générale de l’être ; on s’en tient fermement aux quatre causes. Le cadre philosophique est immuable. Mais, dans ce cadre, on met une foule de faits nouveaux. Les disciples d’Aristote ont hérité de lui le goût de l’érudition, la curiosité du fait précis, l’habitude de l’analyse. Ils entrent si activement dans cette voie qu’ils ont l’air de négliger parfois la philosophie proprement dite. Mais, en semblant restreindre le domaine défriché par Aristote, on ne peut dire pourtant qu’ils lui fussent infidèles. Les philosophes du Lycée, comme ceux de l’Académie, par le choix même qu’ils ont fait dans l’héritage philosophique de leurs maîtres respectifs, ont montré qu’ils les comprenaient bien ; car, si Platon est surtout un moraliste, Aristote est surtout un savant.

L’organisation du Lycée ressemble à celle de l’Académie ; on y trouve aussi un lieu habituel de réunion, une succession de scolarques, des disciples librement groupés autour du chef d’école. Les deux premiers de ces scolarques sont Théophraste (322-287) et Straton (287-269). C’est Théophraste, devenu propriétaire d’un terrain grâce à Démétrius de Phalère, qui, par son testament, fit de ses disciples ses héritiers et mit l’École chez elle[1]. À côté des scolarques, nous trouvons Eudème, Aristoxène, Dicéarque, d’autres encore. Telle est la première génération péripatéticienne, la plus grande de toutes, ou même, à vrai dire, la seule grande ; car celles qui suivent sont

  1. Diog. L., V, 39, et 52-53.