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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

comme il l’a dit, non sans grâce, quand il eut acquis quelque gloire, il lui parut qu’étant né dans une petite ville, il la rendrait plus petite encore, s’il la quittait[1]. Il vécut donc là, paisiblement, au milieu de sa famille, au milieu des amis qui venaient le voir, au milieu de ses livres. Ses absences étaient assez fréquentes, mais courtes. Il se rendait quelquefois à Athènes ; souvent à Delphes, où l’appelaient ses fonctions sacerdotales : de temps en temps aussi, en été, aux eaux chaudes des Thermopyles ou d’Ædepsos en Eubée, fréquentées par une société brillante. Ainsi, sa vie, toute retirée qu’elle fut, n’était nullement celle d’un homme qui fuit le monde. Personne au contraire n’aimait plus que lui la société ; et, tout le temps qu’il ne passait pas à lire ou à écrire, il le donnait, autant que possible, à la conversation, comme l’avaient fait autrefois Socrate et Platon. Ses Propos de table sont des notes de causeries quotidiennes, qu’il a prises toute sa vie. L’échange des idées et des impressions a été un des besoins les plus vifs et les plus constants de sa nature. Il semble même qu’il eût communiqué ce goût aux siens, comme il l’avait reçu lui-même de ses prédécesseurs dans la vie. Sa femme, Timoxéna, n’était pas étrangère à la philosophie, et ses fils, tels qu’il nous les a montrés dans les œuvres de sa vieillesse, ressemblaient en cela à leur père.

Grâce à cette sagesse aimable, sa vie, malgré les épreuves qui l’affligèrent, demeura sereine jusqu’à la fin. Il perdit plusieurs enfants, dont une fille tendrement aimée. Il en souffrit, sans se laisser abattre. Volontairement étranger à la vie publique, il n’accepta de l’estime de ses concitoyens que les modestes fonctions d’agoranome et d’archonte éponyme de Chéronée. En revanche, il fit partie, pendant de longues années, du col-

  1. Vie de Démosth., ch. ii.