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PLUTARQUE ; SA VIE

Chose curieuse : malgré le mépris secret que le jeune philosophe ressentit pour cet empereur cruel et à demi fou, il lui garda toujours, involontairement, une certaine indulgence, qu’excusait la naïveté de son patriotisme, parce qu’il avait honoré la Grèce et qu’il avait fait semblant de lui rendre la liberté[1].

Les années qui suivirent sont celles de la vie de Plutarque qui nous sont le moins connues. Il voyagea, quelquefois pour affaires, quelquefois pour le simple plaisir de voir le monde. Nous savons par son témoignage qu’il se rendit en Égypte, du vivant de son grand-père. Il nous apprend aussi qu’il fut député, jeune encore, par ses concitoyens de Chéronée, auprès du proconsul d’Achaïe, à Corinthe, pour y traiter de leurs intérêts. Enfin, il alla à plusieurs reprises à Rome, et y fit même, une fois au moins, sous Vespasien, un séjour qui semble avoir eu quelque durée. Il y était en philosophe, donnant des conférences en grec, que d’illustres personnages, notamment Arulenus Rusticus, ne dédaignaient pas de venir entendre. Mais Rome ne le retenait pas si étroitement qu’il ne trouvât le temps d’explorer certaines parties au moins de l’Italie. Lui-même nous raconte qu’il alla visiter, en compagnie de Mestrius Florus, le champ de bataille de Bédriac, dans la région du Pô. Ses séjours en Italie furent ainsi pour lui autant d’occasions de s’instruire, de compléter ses notes en vue de ses travaux futurs d’historien, et en même temps de nouer des relations avec quelques Romains de grandes familles.

Quel qu’ait pu être le nombre de ces allées et venues, Plutarque semble être rentré d’assez bonne heure à Chéronée et y avoir passé toute la fin de sa vie, qui fut longue. Il aimait son pays et sa maison ; d’ailleurs,

  1. Délais de la vengeance divine, fin.