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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

dégager autant que possible de toute détermination, afin de le rendre plus pur ; un dieu qui est l’être, l’absolu, l’un, mais qui pourtant, par une contradiction nécessaire, se trouve posséder aussi certaines qualités humaines, la bonté, l’activité, la volonté. Puis, pour ne pas mêler ce dieu au monde, pour ne pas être obligé surtout de lui imputer le mal physique et moral, toute une série d’êtres intermédiaires, d’ailleurs insuffisamment définis et classés, des êtres qui sont quelque chose de lui et qui ont pourtant une existence distincte, ses puissances (δυνάμεις), dans la conception desquelles nous reconnaissons à la fois les Idées platoniciennes, les causes aristotéliques, la raison créatrice des Stoïciens, les démons de la mythologie païenne et les anges de la Bible. Parmi ces puissances, la première, la plus constamment en scène, est le Verbe (Λόγος), qui apparaît, dans toute cette doctrine, comme un intermédiaire nécessaire entre le vrai dieu et le monde[1].

Cette métaphysique est dispersée dans tous les écrits de Philon, d’où il faut la dégager ; et justement à cause de cela, elle ne semble pas s’être organisée en un système très complet ni très fortement étudié dans ses détails. D’ailleurs, quelque intérêt qu’elle inspirât à son auteur, elle le préoccupait moins que la morale. Le grand objet qu’il se proposait, c’était la vie spirituelle, pour lui-même et pour les autres : tous ses écrits tendent à définir, à recommander, à célébrer cet idéal. Sa doctrine morale est stoïcienne en son fond ; elle l’est par son ascétisme décidé, par son dédain absolu de tout ce qui ne dépend pas de la volonté, par l’idée qu’elle se fait du sage, par sa notion du progrès (προκοπή), qui est la loi même de la vie. Et pourtant, sous ces ressemblan-

    son Histoire de l’École d’Alexandrie, t. I. Cf. Herriot, ouv. cité, l. II, Exposition de la philosophie de Philon.

  1. J. Réville, Le logos, d’après Philon d’Alexandrie, Genève, 1811.