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MUSONIUS RUFUS

pythagoriciens. Si Musonius se distingue par quelque chose entre les maîtres du stoïcisme, c’est surtout par un remarquable bon sens pratique, qui n’exclut pas l’élévation des sentiments ; il prend la société telle qu’elle est, il ne sacrifie pas la famille à un ascétisme chimérique[1], il donne à la femme sa véritable place au foyer et il élève très haut l’association conjugale[2]. On comprend mieux, en le lisant, quelle influence salutaire exerçait alors la philosophie grecque dans le monde romain. Ses vrais propagateurs étaient des hommes d’une vie exemplaire, qui ne cherchaient pas à faire de brillants discours, mais qui ; avertissaient à propos, signalaient le mal à éviter, montraient familièrement le devoir quotidien, et rappelaient en toute occasion l’idéal prochain qui devait ennoblir la vie[3]. La vénération affectueuse que témoigne Pline le jeune pour la mémoire de Musonius et pour son gendre, le philosophe Artémidore, en dit très long sur le bien que ces sages modestes faisaient autour d’eux.

X

Les autres écoles, platonicienne et péripatéticienne, pourraient être passées ici sous silence, si l’on ne tenait compte que des maîtres obscurs qui représentèrent alors dans la société romaine les traditions de l’Académie et du Lycée, plus ou moins fondues ensemble[4]. Mais à côté

  1. Voyez le morceau Εἰ ἐμπόδιον τῷ φιλοσοφεῖν γάμος (Stobée, Floril., LXVII, 20), où il soutient que le philosophe doit se marier.
  2. Morceau intitulé Τί τὸ κεφάλαιον γάμου (Stob., Floril., LXIX, 2 3).
  3. C’est un des principes de Musonius que philosopher, c’est tout simplement bien vivre : Οὐ γὰρ δὴ φιλοσοφεῖν ἕτερον τι φαίνεται ὂν ἢ τὸ ἃ πρέπει καὶ ἅ προσήκει λόγῳ μὲν ἀναζητεῖν ἔργῳ δὲ πράττειν (Stobée, Floril., LXVII, 2, fin).
  4. Il faut cependant accorder au moins une brève mention au platonicien Thrasylle, contemporain de Tibère, qui groupa les