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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

Ajoutons que le style de Strabon n’a rien non plus d’original. C’est La langue du temps, sans mauvais goût, mais sans grâce, claire et saine dans les exposés, médiocre dans les réflexions, lourde, et quelquefois obscure, dans les discussions ; d’ailleurs incolore et en quelque sorte indifférente, nullement créée pour le sujet ni délicatement adaptée à ses besoins, monotone et froide, sans caractère, et par conséquent sans beauté.

La réputation de Strabon, comme géographe, paraît avoir été lente à s’établir, peut-être en raison de cette simplicité même. Une telle œuvre dut peu plaire à un siècle qui goûtait la rhétorique d’un Pomponius Méla et l’affectation d’un Pline l’ancien. Il est remarquable que celui-ci, dans la partie de son Histoire naturelle qui est consacrée à la géographie, ne nomme pas Strabon. Cette injustice fut bien réparée dans la suite. Cet ouvrage, qui offrait un tableau si complet du monde au début de l’empire, méritait de devenir classique, et il le devint en effet. Pour les Grecs des derniers siècles, Strabon fut « le géographe » par excellence, ὁ γεωγράφος, comme Homère était pour eux « le poète » et Démosthène « l’orateur ».


À la géographie de Strabon, on peut rattacher les œuvres très secondaires de quelques géographes contemporains, sur lesquelles il n’y a pas lieu d’’insister.

Le bithynien Ménippe, de Pergame, contemporain du poète Crinagoras et par conséquent d’Auguste[1], avait composé un Périple de la Méditerranée (Περίπλους τῆς ἐντός θαλάσσης), qui ne nous est plus connu que par quelques citations et par le remaniement abrégé qu’en fit au ve siècle le géographe Marcien d’Héraclée[2].

  1. Anthol. Jacobs. II, 134. Const. Porph., De them. I, 2, Μένιππος ὁ τοὺς σταδιασμοὺς τῆς ὅλης οἰκουμένης ἀναγραψάμενος.
  2. Étienne de Byz., aux mots Χαλκηδών, Τίος, Ψύλλα, Χαλδία. Sur