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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

sur les sujets qu’il traitait, depuis Homère, qu’il aime citer, jusqu’aux auteurs de son temps[1]. Toutefois, ce sont surtout les géographes et les historiens des trois derniers siècles qui lui sont familiers. Il doit à Ératosthène et à Hipparque toutes ses connaissances en géographie mathématique et astronomique ; et, s’il les combat assez fréquemment, c’est toujours avec leurs propres armes, en les opposant l’un à l’autre. Ératosthène lui a fourni, de plus, le cadre même de ses descriptions. Après les savants alexandrins, les auteurs qu’il a le plus étudiés sont Polybe (notamment pour son 34e livre aujourd’hui perdu, qui était entièrement géographique), Artémidore, les historiens des guerres de Mithridate et des Parthes, Posidonios. Toutefois, en les mettant à profit, il s’est toujours réservé de les contrôler, et il faut avouer qu’il les a quelquefois corrigés malheureusement. Ses déterminations de latitude, fondées sur l’observation des climats et des productions des divers pays, sont souvent beaucoup moins exactes que celles d’Ératosthène, obtenues par l’étude des éclipses et l’emploi du gnomon. Mais on peut dire que cette inexactitude même, qui s’explique après tout par une erreur très naturelle, est l’indice d’un désir de vérité qui fait honneur à Strabon. Dans l’ensemble, ses informations sont à peu près les meilleures qu’on pût alors recueillir.

La Géographie a donc une réelle valeur au point de vue scientifique, malgré ses lacunes et ses erreurs. Elle en a une aussi, et très sérieuse, au point de vue littéraire, sans qu’on puisse néanmoins la considérer vraiment comme une œuvre d’art.

Son grand défaut, c’est que la personnalité de l’auteur n’y apparaît pas avec assez de force et d’intérêt, ni avec assez de variété. Cela tient d’abord à ce qu’il y

  1. Sur les sources de la Géographie de Strabon, voir Marcel Dubois, ouv. cité, toute la deuxième partie, p. 453-332.