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LE TRAITÉ DU SUBLIME

dans le dernier chapitre, il reproduit et discute une opinion récemment exprimée par un philosophe[1] : à savoir que l’éloquence a besoin de la liberté. On ne peut pas ne pas songer, en lisant ce passage, à la discussion que l’auteur du Dialogue des orateurs a placée en 78, sous Vespasien. L’analogie des idées indique probablement que les deux auteurs ont puisé à une source commune, qui doit être un écrit d’un philosophe de ce temps : car c’est surtout sous le règne de Vespasien que l’éloge, au moins théorique et indirect, des institutions républicaines semble avoir été à la mode chez un certain nombre de philosophes[2]. D’ailleurs, les allusions à la sophistique naissante et la définition même de l’esprit contemporain, telle que la donne l’auteur, semblent convenir aussi à ce moment[3]. Et enfin, il faut ajouter que l’auteur pourrait bien avoir entendu les leçons de Théodore, et qu’il se rattache encore au mouvement antiasiatique du règne d’Auguste[4].

L’ouvrage même, dont un quart environ est perdu, a été inspiré par la lecture de l’écrit de Cécilius sur le même sujet (ch. 1). Celui qui l’a composé était, comme Cécilius, un critique de profession. Il fait allusion à plusieurs écrits qu’il a publiés (ch. 9), en particulier à un traité en deux livres, Sur l’arrangement des

  1. Ch. xl : ὅπερ ἐζήτεσέ τις τῶν φιλοσόφων προσέναγχος.
  2. Dans le récit, tout légendaire d’ailleurs, de Philostrate (Vie d’Apoll., v. 33), les opinions prêtées à Euphrate sont à noter. Il est incontestable que certains philosophes affectaient alors une grande liberté de paroles. On connaît le rôle de Démétrius (Suet., Vespas. 13). Si Vespasien exila les philosophes en 71, c’est évidemment qu’il sentait chez eux une opposition sourde. Dion. Lxvi, 13.
  3. Ch. 5 : Τὸ περὶ τὰς νοήσεις καινόσπουδον περὶ ὃ δὴ μάλιστα κορυβαντιῶσιν οἱ νῦν. Ch. 15 : ὡς ἤδη νὴ Δία καὶ οἱ καθ' ἡμᾶς δεινοί ῥήτορες, καθάπερ οἱ τραγῳδοὶ, βλέπουσιν ἐριννύας, etc. Cf. ch. 9 et ch. 44.
  4. Ch. 3 : ὅπερ ὁ Θεόδωρος (l’imparfait est à noter). Sur Théodore, voir plus haut, p. 355. — Même chapitre, vive critique des asiatiques Amphicrates, Hégésias, Matris. Cf. ch. iv.